Par Samira DAMI Seulement trois jours nous séparent du 69e festival international du film de Cannes (11 au 22 mai). Le cinéma africain sera encore une fois absent de la compétition dans la catégorie longs-métrages. Toutefois, il sera bel est bien présent dans la catégorie des courts-métrages à travers le cinéma tunisien, avec «Alouch» ou «La laine sur le dos», de Lotfi Achour. Cet unique film arabe et africain de la compétition officielle des courts-métrages a été sélectionné sur 5.008 films reçus par le Comité du festival de Cannes. Cette production tuniso-française d'une durée de 15 minutes a été tournée entre Tataouine et Douiret, c'est que l'un de ses principaux personnages n'est autre que le désert tunisien. Scénarisé par Natacha de Pontchara et interprété par Moncef Sayem, Jawhar Basti, Mohsen Akkari et l'enfant Mohamed Bacha Karrouchi, «Alouch» raconte l'histoire d'un vieil homme et de son petit-fils qui transportent des moutons dans un camion vétuste. Arrêtés par les gendarmes le long d'une route du désert tunisien, ils ne repartent qu'après avoir conclu un curieux «marché» avec eux. Ainsi «Alouch» concourra pour la palme d'or avec les 9 autres courts-métrages de la sélection. Le jury des courts-métrages et de la cinéfondation est présidé par la réalisatrice japonaise Naomi Kawase dont le long-métrage «La Forêt de Mogari» a remporté le «Grand Prix» à Cannes. A suivre donc. Du côté des longs-métrages, le cinéma tunisien est, ainsi, absent de la compétition, à l'image de l'ensemble du cinéma arabo-africain. En revanche, ce cinéma est représenté dans la sélection officielle par deux longs-métrages : «Echtebak» ou «Clash» de l'Egyptien Mohamed Diab, programmé dans la section «Un certain regard», et «Hussein Habré», une tragédie tchadienne du Tchadien Mahamet-Salah Haroun, programmé en séance spéciale. «Clash» se déroule dans un quasi-huis clos, soit dans un fourgon anti-émeutes lors d'une manifestation au Caire à la suite de la destitution du Président Morsi en 2013. Il s'agit du 2e long-métrage du réalisateur après le remarquable «Les femmes du bus 678». «Hussein Habré», du genre documentaire, se focalise sur les crimes du chef d'Etat tchadien. Le réalisateur Mahamet-Salah Haroun, rappelons-le, a été révélé à Cannes grâce à son long-métrage de fiction «Un homme qui crie» avec lequel il a remporté le «Grand Prix» de Cannes en 2010. Ainsi la présence du cinéma arabo-africain à Cannes se limite à 3 films (un court-métrage en compétition et deux longs-métrages en sélection officielle), ce qui est «trop peu et trop court», d'autant que cette année ces cinémas-là sont également absents des sections parallèles du festival, à savoir «La Quinzaine des réalisateurs» et «La Semaine de la critique». Mais il faut dire que depuis son retour à la compétition officielle, en 2010, avec «Un homme qui crie», après une absence de 13 ans, le cinéma arabo-africain arrive à décrocher, au fil des ans, quelques places dans les différentes sections. Ainsi en 2015: «Much Loved» du Marocain Nabil Ayouch a été programmé dans «La Quinzaine des réalisateurs», tandis que «Oka» du Malien Souleymane Cissé a été projeté en séance spéciale et que «Lamb» le premier film éthiopien de Yared Zekele, a été présenté dans la section «Un certain regard». Enfin, «Dégradé» des Palestiniens Arab et Tarzan Nasser a été sélectionné à «La Semaine de la critique». Mais il est rare que les cinémas arabe et africain s'imposent dans la section officielle (compétition et Un certain regard) avec 3 ou 4 films, à l'image des cinémas européen et asiatique par exemple. C'est que cette cinématographie souffre encore, en faisant abstraction de la qualité des œuvres, de plusieurs obstacles et problèmes, dont l'indigence de la production, en raison, entre autres, de l'absence d'une politique d'aide nationale et du tarissement des subventions internationales, l'absence d'industries à l'échelle nationale, le rétrécissement du parc des salles de cinéma en Afrique, enfin, le plus dur, l'absence d'un marché pour les films africains et arabes aussi bien sur leurs propres écrans, à quelques exceptions près, que sur les écrans étrangers (exceptions mises à part toujours). Tous ces problèmes empêchent réellement l'éclosion d'une réelle industrie qui stimulerait la production et permettrait à la qualité d'émerger de la quantité des films produits. Car il est clair que chaque année plusieurs films arabes et africains sont refusés par le comité de sélection du festival de Cannes pour manque de qualité. Et même les films arabes et africains, présentés à la sélection officielle ou dans les sections parallèles durant les dernières années à Cannes, pâtissent de faiblesses artistiques certaines les ayant empêchés de s'imposer et de séduire. Par conséquent, toute victimisation de la part des cinéastes arabes et africains est superflue et malvenue tant la responsabilité de la marginalisation de leur cinématographie dans les grands festivals est due aussi bien à eux-mêmes qu'à leurs propres pays. Lesquels après plusieurs décennies d'indépendance rechignent encore, dans leur majorité, à jeter les bases d'une politique et d'une stratégie cinématographiques efficaces et fructueuses. Et cela est d'autant plus étrange et inadmissible que nous vivons en pleine ère de l'image.