De notre envoyé spécial à Lusaka, Anis SOUADI L'industrialisation des économies au niveau du continent africain est une priorité stratégique. Toutefois, pour relever ce pari, il est impératif d'impliquer le secteur privé. L'aboutissement du nouveau modèle de développement socioéconomique prévu pour l'Afrique( 2016-2025) n'est pas sorcier. Il nécessite plutôt trois démarches fondamentales: une réflexion commune, une unification des approches et des programmes au niveau des pays membres et, bien entendu, une mobilisation de tous les partenaires. Et plus essentiel encore, de telles démarches, pour qu'elles soient réellement efficaces, doivent absolument tenir compte d‘une échelle de priorités. Ainsi, en plus des questions d'énergie et des changements climatiques, qui ont besoin de toute une stratégie spécifique, l'un des principaux objectifs du nouvel agenda concerne l'amélioration de la qualité de la vie des populations (le 5e volet du programme). Or, Olisemeka Obeche, experte africaine, estime, à l'occasion des assises de la BAD, que cet objectif repose lui-même sur la nécessité de relever le défi de création de plus d'opportunités économiques pour les jeunes, quels que soient leur milieu socioéconomique, le fossé rural-urbain, leur sexe et âge. Il repose également sur la capacité de surmonter les problèmes en termes d'offre, en aidant les pays à développer un capital humain orienté vers le secteur privé et en dotant notamment les jeunes des compétences nécessaires. Pour l ‘experte, de telles orientations sont désormais incontournables, face surtout à la montée spectaculaire du chômage. Justement, soutient-elle, si 10 à 12 millions de jeunes Africains arrivent chaque année sur le marché de l'emploi, seuls trois millions réussissent à décrocher un poste. Trop peu. Cette performance trop timide justifie clairement les projections de créer, durant les dix prochaines années, 25 millions d'emplois et de former 50 millions de jeunes durant la même période. L'un des enjeux stratégiques de la prochaine étape est de savoir mettre à profit la population de jeunes Africains qui devrait dépasser les 830 millions d'ici 2050. Pour l ‘experte, c'est un défi exceptionnel que de transformer l‘explosion démographique en dividende démographique. Cela est d'autant plus important, dit–elle, que si l'on parvenait à réduire, en Afrique, le taux de chômage des jeunes au même niveau que celui des adultes, il en résulterait une hausse de 10 à 20% du PIB du continent. L' industrialisation, une nécessité En plus de ce pari sur la jeunesse, Kodeidja Diallo, directrice du département de développement du secteur privé de la BAD, estime dans une conférence sur le secteur privé, moteur de la croissance économique pour l‘Afrique, que la priorité est de savoir comment créer des richesses et soutenir la croissance économique grâce à la création d‘emplois durables et à l'augmentation des revenus. Pour répondre à cette exigence, la directrice pense qu'il est indispensable aujourd'hui de passer à l' industrialisation rapide de l'Afrique. Et à ce stade, le rôle du secteur privé est capital. Car, affirme-t-elle, ce secteur reste le lieu principal des innovations technologiques et des gains de productivité. Mieux encore, pour elle, l'industrialisation, plus qu'un choix, est désormais une nécessité absolue en raison de cette capacité de garantir une croissance globale et durable. Et ce n'est pas tout: notre expert reconnaît que l'amélioration du PIB industriel aura un effet multiplicateur sur le PIB par habitant ainsi que sur l‘ensemble de l'économie. Actuellement, ce PIB est de 700 dollars alors qu'il est de 11.500 $ en Amérique du Nord, de 3.400$ en Asie de l‘Est et de 2.500 $ en Amérique Latine. L'Afrique doit donc chercher a réduire cet écart. Certes, l'objectif est ambitieux, admet la directrice, mais, nuance-t-elle, l'expérience d'autres économies en voie d‘industrialisation montre que notre continent peut de manière réaliste atteindre cet objectif. Il suffit de voir le cas de l'Inde, la Malaisie, l'Afrique du Sud, la Turquie... Madame Diallo rappelle à cet effet que la création en 1998 du département du secteur privé avait été dictée par le souci de bien accompagner les économies africaines dans leur transformation industrielle. Jusqu'en 2015, l'action de la BAD a permis d'approuver 60 opérations ciblant des secteurs liés à l'industrie pour un montant de 3 milliards de dollars.