De notre envoyée spéciale à Abidjan Najoua HIZAOUI La création d'un secteur industriel compétitif a été entravée depuis des années par l'absence d'une infrastructure adéquate (énergie, transport, communications...), ce qui a entraîné une hausse des coûts du transport et des transactions. Les acteurs économiques pensent que l'investissement dans l'infrastructure, notamment l'énergie, créera l'environnement propice au développement de l'industrialisation dans le continent. Lors de la deuxième journée de la conférence, les experts et les acteurs économiques se sont penchés sur les principaux obstacles au développement industriel. «Il faut pour ce faire des efforts tendant à répondre de façon dynamique aux besoins en infrastructure et en énergie de substitution et à garantir dans ce domaine une gestion et une maintenance efficaces. Le continent doit mettre à profit son avantage comparatif, en faisant de ses ressources naturelles la pierre angulaire du développement industriel. C'est pourquoi le développement de l'infrastructure doit être une priorité aux niveaux national, régional et continental», précisent les experts lors du débat engagé sur le rôle de l'industrialisation dans l'émergence de l'Afrique. Faut-il rappeler également que le renforcement des ressources humaines est nécessaire au développement industriel. Les grands écarts existants en matière de productivité de la main-d'œuvre déterminent le fossé entre les pays industrialisés et les pays en développement. Compte tenu du niveau de compétence élevé nécessaire pour l'industrialisation, les pays africains doivent mettre en valeur leur capital humain, dont la négligence contribue considérablement à la dégradation du secteur industriel en Afrique. L'éducation, la santé et l'acquisition des compétences sont par conséquent indispensables à l'amélioration des capacités de production des pays. Fonds continental pour le développement industriel L'accès au financement demeure l'un des principaux obstacles rencontrés par les pays africains dans la poursuite de l'industrialisation, tant au niveau du secteur public qu'à celui du privé. Les pays africains doivent mobiliser des ressources suffisantes pour financer les investissements publics cruciaux pour le développement industriel, notamment les investissements dans l'infrastructure, l'éducation et la technologie. Au sein du secteur privé, les entreprises africaines, dont la plupart sont des PME, sont confrontées à des difficultés d'accès au financement du côté aussi bien de la demande que de l'offre. En ce qui concerne l'offre, le principal problème est le manque de solidité des systèmes financiers. Outre l'environnement institutionnel et macroéconomique approprié, le capital est une question essentielle dans la croissance des entreprises et du secteur privé. Toutefois, dans la quasi-totalité des pays africains, les perspectives de croissance à long terme sont retardées en l'absence d'investissement. De ce fait, bien qu'il y ait des possibilités d'investissement, l'accès au financement, en particulier au capital-risque, laisse à désirer. Cela marque l'urgente nécessité d'encourager les investissements nationaux et étrangers et d'accélérer le développement des marchés des capitaux locaux en Afrique. Les opérateurs économiques estiment qu'il est nécessaire de consolider le plan de l'Union africaine visant à mettre en place un fonds panafricain afin de financer le développement de l'industrie et de l'appareil de production ainsi que les projets d'infrastructure. Agissant sous la direction de la Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique) ou de la BAD et œuvrant en étroite collaboration avec les institutions multilatérales de financement du développement telles que l'Agence multilatérale de garantie des investissements et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, le fonds, dont la création est envisagée, accélérerait la mobilisation des fonds sur les marchés des capitaux locaux et intérieurs, la collecte des contributions des gouvernements africains et l'acheminement de l'aide publique au développement (APD). IDE en hausse Les fonds régionaux d'investissement devraient faciliter l'élaboration de projets qui généreront à coup sûr des bénéfices. Même si les projets du secteur privé seront une priorité pour les fonds en question, les projets destinés à développer l'infrastructure qui ont une incidence directe sur la croissance de l'industrie seront également prioritaires. Il est opportun de rappeler que les investissements directs étrangers ont facilité considérablement le développement industriel. Les études ont montré que les IDE à destination de l'Afrique se sont accrus au cours des dernières années mais de façon marginale par rapport au reste du monde. «L'Afrique est appelée à améliorer la qualité des flux d'investissement vers les secteurs productifs et à créer également un environnement attrayant pour l'investissement». Par ailleurs, la diaspora africaine a contribué remarquablement à la réduction de la pauvreté dans les pays d'origine. Les envois de fonds sont récemment devenus une source très importante de financement extérieur. Ils sont mobilisés pour atténuer la pauvreté, assurer la sécurité des ménages ou encore donner les moyens aux familles pour créer des entreprises et des projets autofinancés. De même, la coopération régionale pour le développement de l'infrastructure ferait sans doute baisser les coûts de transactions, renforcerait le développement des marchés régionaux et rendrait plus compétitives la production manufacturière et l'exportation de produits manufacturés. L'intégration régionale stimulera également le commerce intra-africain et accélèrera l'industrialisation en Afrique. Instruments-clés de l'industrialisation Une industrialisation réussie nécessite le leadership et l'attachement du gouvernement au développement industriel, attachement qui doit donner le ton au sommet et faire du développement industriel une priorité absolue. «Il est essentiel que les gouvernements traduisent la forte volonté politique pour l'industrialisation en mesures et qu'ils assurent le leadership à divers niveaux pour soutenir certains secteurs stratégiques dans le développement global à long terme». Tout d'abord, les gouvernements doivent mettre en place des politiques appropriées favorisant le développement industriel, en second lieu, le secteur privé devrait avoir foi en l'engagement politique de ces gouvernements envers l'industrialisation. En outre, «le succès de tout programme d'industrialisation exigera la création d'un climat favorable aux entreprises en renforçant par là même la capacité et les moyens nationaux, particulièrement l'infrastructure, le capital humain, les systèmes financiers, la technologie et la gouvernance». De surcroît, les gouvernements devraient mettre en place les cadres réglementaires pour faire face aux distorsions du marché et également résoudre les problèmes de coordination au sein même du gouvernement. Autre instrument-clé de l'industrialisation en Afrique, il s'agit d'ancrer une productivité élevée et renforcée par l'innovation permettant de s'attaquer aux divers problèmes auxquels se heurtent les Etats membres de l'Union africaine, tels que la faible productivité et compétitivité dans une économie mondialisée ou la pauvreté et les changements climatiques. Pour que l'effort d'industrialisation aboutisse, il est essentiel de veiller à la bonne application du Programme pour la productivité en Afrique adopté par l'Union africaine. La communauté internationale peut également contribuer à l'industrialisation de l'Afrique. Il lui faut en particulier honorer ses engagements envers l'Afrique dans les trois domaines cruciaux que sont l'aide publique au développement (APD), la dette et le commerce. A ce jour, l'Afrique a surtout connu un écart considérable entre les engagements pris en sa faveur et leur respect.