Par Abdelhamid Gmati Grosse émotion ces derniers jours suite au drame survenu samedi dernier à Nabeul. Une jeune famille profite du soleil sur une plage de Nabeul, lorsque survient à grande vitesse un quad, conduit par un jeune, en perte de contrôle, et les percute. Bilan : la dame, à la fleur de l'âge, perd la vie, son époux se retrouve aux soins intensifs et les deux enfants, en bas âge, se retrouvent orphelins de leur mère. Les Tunisiens réagissent et expriment leur colère, leur horreur, leur refus. Et les questions fusent : comment permet-on la circulation d'engins motorisés sur les plages ? Le conducteur jouissait-il de toutes ses facultés ? Exige-t-on un permis pour conduire ce genre d'engin ? Bref, l'émotion est à son comble. L'auteur du drame a été arrêté et on a pris des mesures pour sécuriser les plages. Bien. Ce drame a connu une telle médiatisation et de telles réactions parce qu'il a été «humanisé» : on a identifié les victimes et pris fait et cause pour elles. Ce n'est pas le cas des autres accidents qui surviennent chaque jour sur les routes de notre pays. Au cours des 5 premiers mois de cette année, le nombre des accidents s'est élevé à 2.743, soit 5 accidents de plus par rapport à 2015, causant la mort de 528 personnes et faisant 4.102 blessés. La moyenne est de 18 accidents, 3 morts et 27 blessés chaque jour. Ce bilan révélé par le ministère de l'Intérieur est en augmentation par rapport à celui de l'année dernière. Cette hécatombe n'est pas nouvelle : en 2013, par exemple, on recensait 8.809 accidents causant 1.499 décès et 13.458 blessés. Au point que l'Association tunisienne de prévention routière (Atpr) estime que «la Tunisie occupe la première place mondiale au nombre des accidents de la route et de leurs victimes». La plupart de ces accidents de ces 5 mois, ont eu lieu en zone urbaine (65,4%) dont 19% à Tunis, 7,5% à Ben Arous, 7,4% à Sfax et 6,8% à Nabeul. En général, les régions les plus touchées par ce fléau sont Tunis, Ben Arous, Sfax, suivies de Nabeul, La Manouba et l'Ariana. A noter que Kébili a enregistré le moins d'accidents avec 1%. Et tout cela se passe dans un silence « assourdissant ». C'est comme si l'on n'était pas concerné par ces morts et ces blessés. Portant, ce sont des êtres humains, des Tunisiens, de différents âges et de différentes conditions qui sont victimes. Bien entendu, un accident est un événement, généralement non souhaité, fortuit. Mais il est provoqué par des êtres humains qui en sont responsables. Et il y a des explications à cela. On a ainsi établi, toujours pour ces 5 derniers mois, que ces accidents sont provoqués par l'inattention des piétons (26,5%), l'inattention du chauffeur (18,9%), l'excès de vitesse (15,3%) et le non-respect de la priorité (9,8%). Le ministère de l'Intérieur a pointé du doigt les accidents de la route provoqués par les motocyclistes, cette catégorie d'usagers de la route dont le nombre de victimes a atteint 478 en 2015, soit plus de 30 % du nombre total des victimes d'accidents de la route. Et le nombre d'accidents le plus élevé a été enregistré durant les mois d'avril, de juin et d'août. La plupart des accidents surviennent les samedis et lundis entre 18h00 et 20h00. Mais il n'y a pas que cela : lundi 27 juin, collision entre un bus de la Société nationale de transport interurbain (Sntri) et une voiture particulière vers 16h30, au niveau de Bab Alioua. Cet accident a fait 14 blessés dont 13 parmi les passagers du bus. Toujours, lundi dernier, le trafic des trains assurant les liaisons de la banlieue sud de Tunis et des grandes lignes a été suspendu, suite à une collision entre un train et un taxi, qui a fait deux blessés au niveau du passage à niveau de Hammam-Chott (gouvernorat de Ben Arous). On retiendra, outre l'excès de vitesse ou la conduite en mauvais état physique (ivresse, manque de sommeil, fatigue), l'inattention. Les piétons ne respectent pas les passages cloutés et traversent la rue comme bon leur semble, oubliant les véhicules. Les conducteurs, eux, font fi du code de la route, ne respectent pas les feux rouges, les stops, les voies consacrées au métro, les priorités. De plus, ils oublient la conduite en usant de leurs portables, se consacrant à leurs discussions. Il a été établi que nombre d'accidents résultent des discussions, souvent enflammées, du conducteur avec son ou ses passagers. Le problème est que les conséquences sont graves, en vies humaines (des centaines), en handicaps (des milliers), en matériel et en finances. Et c'est la communauté qui paie. Le tout dans une indifférence qui frise l'indécence. Quand se rendra-t-on compte que la route tue? Beaucoup plus que le terrorisme. A moins que, sous nos cieux, la vie humaine, celle de nos compatriotes, n'ait plus d'importance