Les membres du bureau exécutif de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) rendent publique une déclaration de sept pages dans laquelle ils considèrent le projet de loi comme anticonstitutionnel A l'instar des ONG établies en Tunisie comme I Watch qui s'est reconvertie en une entreprise d'investigation dévoilant l'identité des corrompus et leurs méfaits et Human Rights Watch qui ne rate aucune occasion pour imposer ses conseils-recommandations aux députés, l'Association des magistrats tunisiens (AMT) a publié le vendredi 15 juillet une déclaration de 7 pages constituant un véritable réquisitoire contre le projet de loi sur la réconciliation économique et financière en cours d'examen au niveau de la commission parlementaire de législation générale. Et à lire les 7 pages produites par le bureau exécutif de l'AMT, on découvre que Raoudha Karafi et ses lieutenants ont déjà devancé l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi pour déclarer la loi anticonstitutionnelle bien avant que la commission ne parachève son examen et bien avant que les députés n'en discutent le contenu et ne l'adoptent en séance plénière. Vendredi dernier, au moment où Slim Azzabi, directeur du cabinet présidentiel, exprimait devant les membres de la commission de législation générale «la disposition de la présidence de la République à interagir positivement avec les propositions des députés, d'ouvrir la porte du dialogue avec les différentes composantes de la société civile et d'écouter leurs avis», le BE de l'AMT se réunissait pour rendre son verdict. Et son verdict est on ne peut plus clair et tranchant : «La présidence de la République est appelée à retirer le projet de loi en question contraire à la Constitution et aux dispositions de la loi 53/2013 relative à l'instauration de la justice transitionnelle. Et il est impératif de doter la commission d'arbitrage et de réconciliation relevant de l'Instance vérité et dignité des moyens humains et matériels qu'il faut afin qu'elle statue rapidement sur les dossiers qui lui sont soumis dans les plus brefs délais». Les griefs de l'AMT Mais que reprochent, au fait, les magistrats au projet de loi en question ? «D'abord, souligne la déclaration de l'AMT, cette initiative vide le système de la justice transitionnelle de son contenu, assure l'impunité à ceux qui se sont compromis dans la malversation financière et le détournement des deniers publics et fait bloquer les mécanismes visant à dévoiler la vérité, à pousser les fauteurs à rendre des comptes et à réformer les institutions pour que les violations ne se reproduisent plus. Ensuite, l'initiative présidentielle n'a pris en considération aucune forme de consultation avec les instances censées lutter contre la corruption comme l'Instance vérité et dignité, l'Instance provisoire de lutte contre la corruption et aussi l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire. Et enfin, la violation du paragraphe 9 de l'article 148 et de l'article 10 de la Constitution. Ainsi, le projet de loi n'oblige pas les convaincus de corruption (les fonctionnaires de l'Etat) à dévoiler l'identité de leurs partenaires, ce qui permettra à ces derniers de rester impunis». La commission de réconciliation n'aura pas les mains libres D'autre part, l'AMT conteste la composition de la commission de réconciliation. La désignation de ses membres par le pouvoir exécutif aura pour conséquence qu'ils n'auront pas les mains libres et même si elle est présidée par le président de l'Instance nationale de lutte contre la corruption (Me Chaouki Tabib), il n'existe pas d'assurance de nature à préserver la commission contre les interventions à caractère politique. Les magistrats estiment également que la commission de réconciliation doit être autonome financièrement et administrativement, ce qui fera de ses décisions des décisions contraignantes, ce qui n'est pas le cas au sein du projet de loi en question. Quant aux candidats à la commission, rien n'indique les conditions qu'ils doivent remplir, dont en premier lieu le fait de ne pas être membre de la commission et exercer une fonction en rapport avec les attributions de la commission. On ne mentionne pas aussi que les membres de la commission doivent entièrement se consacrer à leurs nouvelles fonctions.