Après avoir soulevé, dans une étude critique, les limites et les insuffisances de la note d'orientation économique 2016-2020, et sa perception du nouveau modèle de développement (voir La Presse du 24 juillet 2016), le Fonds tunisien des droits économiques et sociaux, retrace, cette fois-ci, les priorités stratégiques de ce nouveau schéma. Autrefois, estime le Ftdes, le modèle développement économique national a réussi à répondre favorablement aux différentes exigences aussi bien locales qu'internationales, ce qui justifie ses performances plutôt encourageantes. A partir des années 90, notre modèle a commencé à progressivement marquer le pas. En effet, bien qu'il soit resté efficace, du moins valable, il n'est pas toutefois en mesure de traduire tout notre potentiel au concret, faute certainement d'actualisation. D'ailleurs, entre 1990 et 2000 notre croissance potentielle était estimée à 5,2%, or, le rythme était seulement de 4,5%. Certes, l'écart, n'est pas important, mais c'est toujours un manque à gagner. A partir des années 2000, ce fléchissement et cet essoufflement se sont transformés en fatigue évidente. Et c'est ainsi que ce modèle a commencé à perdre sérieusement de son attractivité. Cette perte d'efficacité et d'attractivité s'explique surtout par la détérioration de la qualité de la croissance nationale, le ralentissement des investissements directs étrangers, le fléchissement de l'appareil productif et la timidité au niveau de la création des richesses. Autant de défaillances qui nécessitent des alternatives mieux adaptées aux exigences aussi bien actuelles que futures. Le nouveau modèle préconisé devrait tenir compte de certaines priorités stratégiques. La réactivation du site Tunisie, l'amélioration du niveau des investissements, notamment étrangers, la maîtrise du chômage, la rentabilisation de l'appareil productif, la garantie de la justice sociale et la réduction des écarts entre les régions. Toutefois, le lancement d'un nouveau schéma de développement devrait être progressif. Mais l'essentiel pour le nouveau schéma est de procéder, avant tout, à éliminer toutes les dispositions qui ont conduit à la «faillite» de l'ancien modèle. L'étude précise, à ce niveau, que ces dispositions ne sont pas forcément économiques et sociales seulement, mais elles seraient également structurelles et «humaines». On pense surtout à la mauvaise gouvernance, la corruption, la malversation et l'influence de certaines sensibilités, notamment politiques. Question de repères L'étude précise, par ailleurs, que parmi les autres priorités du nouveau modèle, la timidité de l'implication du secteur privé dans l'œuvre de développement, faute de motivation certainement. Cette implication fort timorée est d'autant plus pénalisante qu'elle a fini par «tuer» la culture de l'initiative, la volonté d'entreprendre et de créer. On précise également que d'autres facteurs aussi importants ont provoqué l'essoufflement de l'ancien modèle. L'étude retient à ce niveau l'indifférence qui a toujours caractérisé la politique de gestion des entreprises publiques. Un tel constat est bien évident, car ces entreprises représentent environ 10% du PIB, plus de 17% de l'investissement global et assurent environ 140.000 postes d'emploi qui accaparent à eux seuls environ 12% de la masse salariale totale. Aujourd'hui, l'on estime qu'il n'est plus permis de négliger un tel poids économique. Cette nonchalance est visible aussi au niveau du secteur informel, qui n'a cessé, depuis quelques années déjà, de prendre une dimension de plus en plus importante. Il faut rappeler que ce domaine accapare plus de 54% de la main-d'œuvre, détient environ 51% du PIB, avec un montant dépassant les 40 milliards de dinars. Un peu trop pour un pays comme le nôtre. En France ou encore en Italie, ces taux sont seulement de 11% et 15%. La moyenne annuelle est de 19%. L'écart est énorme. Mais ce qui est encore plus grave, c'est que le manque à gagner fiscal au niveau de ce secteur est de plus de 2 milliards de dinars. Une question capitale à repenser sérieusement et surtout en profondeur. Il ne s'agit pas d'anéantir totalement ce secteur mais de le réutiliser et de l'organiser autrement. L'étude montre, par ailleurs, que la gestion sectorielle a fait également nettement défaut. Elle relève ainsi la mauvaise exploitation de certains secteurs, pourtant à haut potentiel économique. L'étude retient ainsi le secteur de l'agriculture qui, faute de gestion, d'innovation, d'industrialisation et surtout de transformation technologique, n'a pas réussi à exploiter toutes ses capacités. Et c'est bien là un manque à gagner très significatif. Tous ses facteurs et toutes ces défaillances, note l'étude, devraient servir de repères incontournables pour le lancement du nouveau modèle.