Les pistolets, les fusils d'assaut, qui ont inondé progressivement le marché parallèle des jouets, contribuent à développer un comportement agressif et violent chez les enfants C'est par le biais du jeu que l'enfant prend conscience, dès ses premiers pas, de l'environnement qui l'entoure et dans lequel il évolue. Jouer constitue une activité fondamentale qui lui procure des émotions positives, renforce son estime de soi et développe sa curiosité, son intelligence et sa dextérité. Or, l'injustice, présente à tous les niveaux, s'invite également dans le monde de l'enfance. En effet, les enfants issus de familles défavorisées et ceux dont les parents appartiennent à des familles nanties n'ont pas accès aux mêmes jouets. C'est une évidence. Les legos fabriqués par la fameuse marque internationale danoise, les jeux de société et les jeux éducatifs, vendus à des prix exorbitants dans les grands magasins de jouets spécialisés situés dans les quartiers huppés, sont hors de portée des familles aux revenus très limités. Pourtant, pour procurer un peu de bonheur à leurs enfants, ces familles ont une adresse: Sidi Boumendil et les ruelles avoisinantes où des vendeurs à la sauvette proposent des jouets qui ressemblent comme deux gouttes d'eau à ceux fabriqués par les grandes marques internationales. Sauf que ces joujoux en plastique qu'on trouve entassés pêle-mêle sur des étals posés à même le sol dans les rues de Jamel-Abdenasser, Charles-de-Gaulle, Porte de France et Sidi Boumendil, estampillés pour la majorité « made in China », ne répondent pas du tout aux normes et représentent un danger pour les moins de 36 mois. Fabriqués avec du plastique de très mauvaise qualité et des matières inflammables, ils peuvent représenter un danger, dans la mesure où certaines pièces qui constituent ces jouets peuvent être accidentellement ingérées par les tout petits. Sidi Boumendil: kalachnikov et pistolets à billes Or, beaucoup de mamans s'émerveillent devant ces joujoux bon marché et les achètent sans être conscientes de leur dangerosité. Depuis la révolution, influencés par les images de guerre et de lutte contre le terrorisme qui passent en boucle à la TV, les enfants veulent ressembler à ces hommes armés qu'ils considèrent comme des héros et exigent de leurs parents qu'ils leur achètent des armes « pour faire eux aussi la guerre et défendre leur pays». Les spécialistes des jouets contrefaits n'ont pas attendu longtemps pour répondre à cette demande. Les pistolets et les fusils d'assaut kalachnikov ont commencé à inonder progressivement le marché parallèle des jouets. Il suffit de se rendre dans les ruelles de la capitale où ces vendeurs à la sauvette ont installé leurs étals à même le sol pour les voir entassés en pagaille. On a le choix entre un petit pistolet rechargeable à billes ou une kalachnikov qui ressemble à s'y méprendre à une mitrailleuse réelle. Le commerçant prend même la peine d'expliquer aux mères et aux pères accompagnés de leur progéniture mâle la méthode à suivre pour charger un pistolet en plastique à billes, sans être conscient qu'il banalise le comportement violent chez l'enfant. La violence finit par devenir une des composantes de la socialisation des enfants, entrant dans le cadre de la normalisation des comportements et des activités sociales qu'il est possible d'observer chez les enfants en bas âge. Il ne s'agirait pas du seul problème. Aucune mention de précaution ne figure sur les emballages des poupées, des voitures et des jouets qui sont exposés sur ces étals. Ces commerçants en vendent des dizaines par jour, se fichant éperdument des risques qu'ils peuvent présenter pour les enfants âgés de trois, quatre, cinq ou six ans. Notamment ceux liés à l'usage des pistolets en plastique qui fonctionnent avec des billes. Ces mêmes vendeurs, qui ne sont soumis à aucun contrôle, proposent également des pétards et des feux d'artifice alors que leur usage était pourtant, depuis quelques années, strictement interdit. Jeux de réflexion et développement de l'intelligence Ce type de jouets n'existe pas dans les grands magasins de jouets spécialisés qui sont soumis à un contrôle rigoureux. Pas question, en effet, de badiner avec la santé des enfants. Dans un grand magasin de jouets sis à El Menzah 8, tous les jouets répondent aux normes internationales en vigueur et sont exposés par thème et par catégorie. On trouve des jeux éducatifs pour apprendre les formes, les lettres, les chiffres, les couleurs... Des jeux de construction, des jeux d'emboîtement, des jeux de société, des jeux de réflexion... L'un de ces jeux qui s'adresse aux enfants âgés de huit ans et plus propose la réalisation de douze expériences pour comprendre comment se forment les volcans, comment se produit une éruption volcanique, comment fonctionne un sismographe... « Nous vendons des jouets qui correspondent à toutes les catégories d'âge. Ces jouets jouent un rôle important, dans la mesure où ils accompagnent le développement intellectuel et psychomoteur de l'enfant et favorisent sa socialisation. Chaque jouet a un rôle bien précis. A chaque tranche d'âge correspondent différents besoins auxquels les jouets sont censés répondre », explique l'une des vendeuses rencontrées dans un magasin de jouets situé dans un quartier huppé de la capitale. Dès leur jeune âge, les enfants se trouvent confrontés à la pire injustice : les enfants qui vivent dans les quartiers populaires vont développer dès la petite enfance un comportement violent car ils ont accès à des jouets sans contrôle qui favorisent ce type de comportement et les enfants issus de foyers aisés joueront avec des jouets qui leur permettront de découvrir leur environnement de la façon la plus harmonieuse et la plus équilibrée qui soit et qui leur ouvriront dès leur plus jeune âge les portes du savoir et de la connaissance.