Anne Guéguen, Ambassadrice de France à Tunis en visite chez la CONECT    Tensions à Sciences Po : Quand la politique s'immisce dans l'expression étudiante    Coupures programmée d'électricité dans les régions de Monastir et Sidi Bouzid    Tunisie-Canada: Un don de 185 ouvrages à la Bibliothèque nationale Tunisienne    La Kasbah—Activités du Chef du gouvernement durant la quatrième semaine d'avril 2024: Une batterie de mesures pour faciliter le retour des Tunisiens à l'étranger    Trois questions à Samir Meddeb, président de l'association Racines et Développement Durable: "Nos pratiques de consommation ne sont pas durables"    L'Algérie sur le point de rejoindre la banque des BRICS    Quelle est la durabilité des perspectives économiques françaises selon Moody's et Fitch ?    Faire entendre sa voix dans le monde    11e session de la commission mixte Tuniso-camerounaise à Yaoundé: Consolider la coopération dans divers domaines    La CPI pourrait émettre des mandats d'arrêt contre des hauts responsables israéliens    EXPATRIES: Feyenoord veut récupérer Mejbri    DECES ET FARK: Kamel SAMMARI    Affaire présumée de trafic de psychotropes: Médecins et pharmaciens sous le joug de la caducité de la loi    Chroniques de la Byrsa: Circulez (sur le bitume), il n'y a plus rien à voir !    Mesures contre la triche au bac: Tirer profit des expériences antérieures    Violences faites aux femmes en Tunisie : Que disent les chiffres ?    ECHOS De la FILT: Le ministre italien de la Culture au pavillon de l'Italie    La ligne d'or: Parler avec passion et amour : l'art de captiver son auditoire    Coopération bilatérale: Signature d'une convention de jumelage tuniso-italienne dans le secteur du patrimoine    Météo de ce dimanche 28 avril    Que nous révèlent les prix des matières premières sur l'économie mondiale ?    Imed Khemiri : ce système est celui de l'échec !    WTA 1000 de Madrid : Ons Jabeur passe en huitièmes    Décès du journaliste Kamel Sammari    Salon du livre : l'ambassadeur italien « dégagé » par des militants de l'Action pour la Palestine    Volley – Play-offs Nationale A (SF) : CSS 3-0 EST, résultats de la J3 (vidéos)    Miss Buenos Aires 2024 : Une femme de 60 ans brise les barrières de l'âge    En vidéo : Sihem Ben Abdessamad présente le Challenge Startupper de l'Année par TotalEnergies    Mars 2024 : Le deuxième mois le plus chaud depuis 1950    Endettement public : La Tunisie déterminée à honorer ses engagements en comptant sur ses propres ressources    Nabil Ammar à Yaoundé : Partage d'expertise et coopération bilatérale entre la Tunisie et le Cameroun    Météo - Tunisie : vents relativement forts à très forts sur l'intégralité du territoire    Gianni Infantino félicite l'EST pour sa qualification à la coupe du monde des clubs 2025    Ligue des champions | Demi-finale retour-Sundowns-EST (0-1) : A force d'y croire !    Après sa qualification, 7 millions de dinars pour l'EST    Manifestations étudiantes aux Etats-Unis : un tournant pour l'alliance avec Israël ?    Menace sur l'intégration : l'extrême droite allemande et ses plans contre les immigrés    CAF CL : Sundowns – Espérance, match interrompu par la pluie !    Malgré les restrictions sionistes : 45 000 Palestiniens assistent à la prière du vendredi à Al-Aqsa    Omar El Ouaer Trio et Alia Sellami au Goethe Institut Tunis pour célébrer la journée internationale du Jazz    Ons Jabeur affronte Leilah Fernandez en 16e de finale du tournoi WTA 1000 Madrid    Sousse - L'Institut français de Tunisie inaugure un nouvel espace dédié à la jeunesse et à la coopération    Hédi Timoumi : certains donnent des cours d'histoire sans l'avoir jamais étudiée    Journée internationale de la danse : Le Théâtre de l'opéra de Tunis organise la manifestation "Danse pour Tous"    L'Office des phosphates marocain lève 2 milliards USD sur les marchés internationaux    Kenizé Mourad au Palais Nejma Ezzahra à Sidi Bou Said : «Le Parfum de notre Terre» ou le roman boycotté    Safi Said poursuivi suite à son projet pour Djerba    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



A chacun sa fête : Jouer à la poupée et jouer à la guerre
SCENES DU QUOTIDIEN
Publié dans Le Temps le 29 - 09 - 2008

La ville de Tunis vit des moments particuliers depuis début Ramadan : rues, ruelles, placettes, sont fébriles du matin à l'heure de la rupture du jeûne. Le soir, tout se réanime de nouveau jusqu'à l'aube. Une activité incessante, une foule compacte déambule à la recherche d'objets utiles ou fonctionnels, à petits prix, bien en vue.
Ainsi les étals de la rue Sidi Boumendil se répandent sur les environs et imperceptiblement comme une eau silencieuse, occupent les trottoirs et même les chaussées. Durant un mois, les rues Al Jazira, Abdennasser, toute la rue d'Espagne, la rue Charles De Gaulle, les arcades de l'avenue de France, sont envahies. L'avant-garde arrive rue de Grèce, derrière le Palmarium. Chaque centimètre carré est pris, on squatte même les capots des voitures en stationnement.
Les commerçants des lieux, payant patente, taxes et impôts voient leur espace vital se réduire, et leurs clients n'arrivant pas jusqu'à eux. La circulation, en voiture est quasi impossible, à cause des cartons et bâches étalés à même le sol. Et la foule partout, un conglomérat, qui s'agglutine autour de chaque étal pour regarder, toucher, palper ce qu'on lui propose ainsi.
C'est une manne pour les sans emplois dont la moyenne d'âge est de vingt-cinq ans, avec une forte présence d'ados. C'est également une porte de sortie pour les petits budgets qui peuvent s'approvisionner à des prix très abordables.
Il y a de tout : petits outils de bricolage, objets utiles, ustensiles de cuisine, chaussures, espadrilles, vêtements toutes catégories. Les marchandises proposées sont en fonction du moment, de l'opportunité, de la saison. Parapluies et impers en hiver, maillots de bains, jeux de plage, parasols, en juin-juillet. Verres à eau, brocs, théières, serviettes, couteaux de cuisine pour Ramadan, toute la panoplie scolaire pour la rentrée. Et maintenant, le grand déballage de l'Aïd.
Première constatation : la séparation des sexes, par le jeu, est plus que jamais imposée : poupée pour les filles, matériel de guerre pour les garçons. Où sont les théories sur le développement équivalent ?? La fameuse poupée « Barby » est là pour séduire les petites filles. Son image est partout, y compris sur les cartables des écolières ou les sacoches des fillettes des maternelles. Image omniprésente, obsédante, elle s'affiche avec des habits ultra mode, avec coiffure et accessoires : bijoux, sac à main, chaussures, produits de maquillage même ! D'ailleurs, elle a fini par perdre son statut de poupée pour devenir une sorte de mannequin, une star à laquelle des milliers de fillettes aimeraient ressembler : un modèle, celle de la femme virtuelle, mais femme-objet à qui il faut s'identifier.
Une nouvelle image de cette « Barby » fait son apparition : celle de la « Barby » qui porte le foulard, très maquillée quand même, un rouge à lèvres aux teintes criardes. L'industrie du jouet prend tout train en marche pour faire des profits. Ici, elle épouse des idéologies pernicieuses qui font des femmes un enjeu politico-religieux. On se focalise sur le corps de la femme, sur le foulard pour occulter les problèmes réels. Là aussi, l'identification à ce modèle soit-disant « religieux » est pernicieux, et l'objectif en est le paraître avant tout !! Allez parler à ces jeunettes de la liberté de la femme, d'indépendance, d'égalité des sexes, de valeurs citoyennes !! Mais les parents sont plus que complices, ils sont un peu les initiateurs impuissants.

Formater les esprits
Le second constat est plus qu'alarmant lui aussi, quand on voit la quantité de jouets de guerre imposés à la vue des garçons. La liste est faramineuse : tank simple, blindé amphibie équipé de missiles sol-sol, porte-hélicoptères tous terrains, commandos en treillis de combat qui rampent en lézards, hélicos type Puma, Frelon, Chinnok, armés de lance-roquettes, avions de chasse Mig, Mirage, bombardiers, awaks, des copies exactes en miniatures de navires porteurs d'hélicos, des petits cuirassés, des pistolets, des fusils, des mitrailleuses avec viseur de nuit, et suprême trouvaille, un gros calibre avec laser intégré, lunette de visée, et sur la pochette, il est dit d'éviter de viser le visage et les yeux,en anglais !! En plus de toute la panoplie de la guerre des étoiles, armes bizarres, fluo, clinquantes, produisant des sons horriblement dérangeants.
La violence et la haine semées à travers ces objets apparemment des jouets inoffensifs, mais on ne mesure pas la portée sur les jeunes enfants. Hormis la dangerosité de ces produits, qui peuvent échapper à des contrôles, ils constituent un véritable piège : celui de faire des enfants des combattants inconscients pour une armée virtuelle, certes, mais qu'on voit bien présente, active, dominante, à travers la télévision, sur de vrais terrains avec le même matériel !!.
On incite, de façon très perverse, les enfants à s'identifier non à un modèle comme celui des combattants pour la liberté tels que les Palestiniens ou autres, mais aux GI's, aux soldats des grandes puissances, considérés comme des héros luttant contre le mal, là où il se trouve.
Là aussi, l'enfant est formaté, modelé pour se comporter en adulte violent, en imitant la guerre barbare des adultes. Certes, les garçons ont toujours joué au gendarme et au voleur, avec des soldats de plomb, mais les enjeux n'étaient pas de créer une identification destructrice.
Ces produits de bas de gamme, fragiles, d'une durée de vie éphémère, sont proposés à des couches sociales ayant peu de moyens. Les autres, les enfants des familles aisées, manipulent, dès la première enfance, des jouets qui les plongent dans la vie contemporaine : consoles, ordinateurs miniature, utilisation de claviers, proximité de tous les appareils numériques utilisés aujourd'hui. Les jouets plus simples, mais modernes, tels que légos, mécanos et puzzles, qu'on ne voit pas du tout sur ces étals, incitent à la créativité.
Les enfants clients de ces étals de jouets à très bon marché sont, ainsi, doublement lésés : tout en n'ayant pas accès aux outils informatiques par manque de moyens, ils jouent aux petits soldats d'une armée invisible.
Les joujoux des pauvres, c'est de fabriquer des ballons avec des chiffons, de jouer aux billes, à la toupie, ce qui favorise l'habileté manuelle. Ils ont une fonction fondamentale : sociabiliser l'enfant, l'intégrer dans la communauté, tisser des liens, communiquer avec l'autre, partager. L'enfant découvre son environnement réel, social, il apprend à synchroniser geste et pensée. Le plaisir et le rêve en plus, avec le rire et des étoiles plein les yeux.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.