Les producteurs sont engagés depuis plusieurs années dans un bras de fer où, autour de la question de la qualité, des abus sont commis Coup sur coup, la saison céréalière a été pour les producteurs une année très difficile : selon les régions, les terres cumulent deux ou trois ans de déficit pluviométrique sévère. Les données du ministère de l'Agriculture indiquent que près du tiers des superficies emblavées n'ont pas été récoltées cette année pour cause de sécheresse. Quant au reste, les rendements sont en baisse, en dehors de quelques rares zones qui bénéficient de micro-climats... Pourtant, on parle çà et là de prix à la baisse. Certains agriculteurs se plaignent en particulier de baisses excessives dues au phénomène du «grain moucheté», pour lequel les centres de collecte opèrent des réductions importantes à partir du prix de base (70 dinars pour le blé dur et 55 dinars pour le blé tendre)... Ce phénomène est lié aux conditions climatiques extrêmes et il se traduit par l'apparition de taches sombres au niveau de la fente du grain. Il n'est cependant pas rare que des abus soient observés, dans le sens où les analyses effectuées par les collecteurs fassent ressortir un pourcentage de grains mouchetés qui est largement supérieur au niveau réel... Cette question pose le problème de la fiabilité des analyses. M. Omar el-Béhi, vice-président de l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap), chargé de la production animale et de la recherche scientifique, insiste sur ce point : « Il faut que l'opération d'agréage soit confiée à des organismes indépendants, quitte à ce que l'agriculteur paie quelque chose en contrepartie du service. Mais il n'est pas normal que les centres de collecte, qui sont maintenant, et pour une grande partie d'entre eux, des minotiers, soient juges et parties : à la fois clients de l'agriculteur et chargés de la détermination du prix... ». Cette revendication, ajoute-t-il, est ancienne au sein de l'Utap mais n'a toujours pas été satisfaite. Il faut savoir que, depuis 2012, les minotiers ne sont pas contents de certaines modifications qui ont été apportées au barème de tarification des céréales en 2012. Ce qui peut logiquement induire certaines pratiques dont le petit agriculteur ferait les frais au moment de son paiement. M. el-Béhi explique ici que, en 2007, il y a eu un changement «catastrophique» du barème. Son injustice résidait dans le fait que, premièrement, il permettait des réductions importantes sur trois types de problème qui portent atteinte à la qualité de la marchandise livrée : les impuretés, le grain cassé et le mitadinage. Des réductions importantes étaient à cette époque prévues dans la détermination du prix à partir d'un taux de 20 % de grains mitadinés... «alors que l'Office des Céréales, dans ses opérations d'importation, ne commence à comptabiliser le mitadinage qu'à partir d'un taux de 30 %... », explique le responsable de l'Utap. Les changements intervenus en 2012 ont corrigé ces injustices, en ramenant le taux de 30 % comme base pour le mitadinage, mais aussi à travers d'autres mesures : le poids spécifique a été ramené de 80 à 78 % en tant que référence et les doubles réfactions ont été supprimées... Face à cette situation, le bras de fer entre producteurs céréaliers et minotiers s'est déplacé : il ne concerne plus tellement le barème mais la façon de l'utiliser, avec un risque accru qu'il soit mal utilisé. Et, sur ce point particulier, le responsable de l'Utap fait la remarque suivante : «Quand il y a des abus, le centre de collecte, qui est responsable de l'opération d'agréage, devrait être pénalisé. Qui dit qu'il ne l'a pas fait exprès? C'est comme si un voleur était attrapé par la police, traduit en justice et qu'il s'en tirait en rendant seulement ce qu'il a volé...».