Par Jawhar CHATTY «L'acquis de la révolution s'est transformé en anarchie, en crise morale, en crise des valeurs... ». Le quadra n'a pas démérité. Il a manifestement été soigneusement briefé et a vite retenu la leçon de communication politique ; s'exprimer simplement est la meilleure façon de marquer les esprits. « Ce n'est pas le FMI qui est venu vers nous, c'est nous qui avons frappé à sa porte ». Mais derrière la simplicité se cache, en pleine crise économique, financière et sociale, une menace redoutable, une mise en demeure à peine voilée. Dans ce « nous » magique, chacun doit forcément se reconnaître, chacun a sa part de responsabilité. Youssef Chahed a tenu hier un langage de vérité. Il y a ajouté la spontanéité, la sincérité et parfois la fougue de la jeunesse. Cette fougue qui semble vouloir s'élever contre l'ordre établi parce qu'il est en fait anarchie et désordre, laxisme et laisser-aller. Fuite en avant. En agitant l'épouvantail de l'austérité, le chef du gouvernement d'union nationale cherchait sans doute à frapper et à secouer les esprits. En agitant le chiffon rouge de la dérive des finances publiques, du déficit de la balance des paiements, il cherchait, nous semble-t-il, surtout à convaincre qu'il est encore possible d'éviter à la Tunisie et aux Tunisiens le scénario grec. Devant les représentants du peuple, il n'a d'ailleurs pas manqué et même a tenu à rappeler ce qu'austérité signifie et veut dire...Agiter ainsi l'épouvantail de l'austérité nous place de facto face à une alternative que personne ne peut raisonnablement accepter ; l'épouvantail fiscal ou l'épouvantail du désordre social. Le FMI, qui avait pourtant contribué à la mise en place de mesures d'austérité dans certains pays d'Europe, aujourd'hui se rétracte, et ses économistes affirment, dans un rapport qui date de mars 2014, que ces mesures nuisent à l'économie et à la croissance et augmentent les inégalités socioéconomiques, pénalisant les pauvres et la classe moyenne plutôt que les mieux nantis. Youssef Chahed ne l'ignore pas et c'est sans doute la raison pour laquelle il a, dans son discours, tenu à mettre chacun devant ses responsabilités. La détermination du chef du gouvernement d'union nationale à lutter contre la corruption et la fuite fiscale, à équilibrer les finances publiques, à faire appliquer la loi, à assainir le climat des affaires, à débarrasser l'Administration de sa lenteur et sa rigidité, bref, à redonner vigueur et vitalité à l'Etat, est tout à son honneur. Pourvu que l'audace et la vigueur du quadra aient enfin raison des forces d'inertie, des lobbys et du corporatisme sous toutes ses formes.