Passer d'un sujet tabou à un sujet ordinaire, passer d'un club à un club rival ne suscite plus la même polémique qu'auparavant. C'est une question d'argent, de revanche maintenant. Passer subitement d'un club favori ou même pas, grand ou petit, à un club rival reste toujours une question polémique. Un sujet controversé avec des cas inoubliables et souvent une passion et une admiration pour un joueur lesquelles se transforment en haine et diabolisation qui n'en finissent pas. Ce n'était pas facile pour n'importe quel joueur tunisien ou ailleurs de passer au camp adverse. Avec l'évolution du football, la libre-circulation des joueurs en fin de contrat (arrêt Bosman), le développement du business en football, cette question est de moins en moins polémique. Sauf que pour certains joueurs, les stars dans les grands clubs, cela reste toujours un sujet tabou, un crime irréparable. Cela dépasse le sport pour toucher les questions de l'appartenance, de l'affiliation et de l'identité régionale ou politique. Les cas Figo et Maâloul Maints joueurs sont passés d'un club à son rival dans l'histoire du football en Tunisie ou ailleurs. On retiendra deux exemples, et deux cas inoubliables. Celui de Nabil Maâloul et celui de Luis Figo. Le premier, étant joueur libre, est passé au CA après un intermède au CAB. Le passage n'etait pas direct, mais cela a eu un effet monstre sur notre championnat. Pour les fans de l'EST, ce fut une trahison et une douleur qui a mis des années pour se calmer; pour les Clubistes, ce fut une sensation forte (même si le joueur en question est sorti par la petite porte). Pour Luis Figo, c'est un joueur pour lequel le Real Madrid de Perez a versé une énorme clause de résiliation. Du Barça au Real , Figo est passé d'un héros au «camp nou» à quelqu'un de détesté. Ce qu'il a eu comme accueil spécial lors du Barça-Real (jet de bouteille, de montre, insultes...) est loin d'être oublié. Capacité de résistance Dans les cas de Luis Figo et de Nabil Maâloul, la décision de passer de leur club au club rival ce n'était pas quelque chose de facile. Il faut souligner que maints joueurs font la même chose, mais quand il s'agit de star, de joueur important, emblématique, l'effet de son passage à la rive d'en face est grandiose. Si l'on parle d'un club qui n'a pas de rivalité sportive et régionale, s'il s'agit d'un joueur moyen, le changement n'a pas le même effet polémique. Le dernier exemple significatif dans ce cas est celui de Higuain, le légendaire buteur de Naples qui jouera pour la Juventus cette saison. Pour les Napolitains, c'est un choc qu'ils n'arrivent pas encore à avaler. Pour les joueurs eux-mêmes, décider de passer à l'ennemi juré requiert une forte personnalité et une bonne capacité de résistance. Ce n'est pas facile de changer d'amis, de cité, d'être adulé pour devenir détesté. Ce n'est pas facile non plus d'acquérir le cœur de nouveaux supporters, qui étaient hier des détracteurs. Des idées reçues qui changent La libre-circulation des joueurs, la tendance de privilégier la loi de l'offre et de la demande sur les questions d'identité ou d'affection envers les couleurs du club, font que ce sujet est un peu moins polémique. Une star, ou même un joueur moyen, qui passe au club ennemi, il le fait soit pour des raisons sportives (il veut gagner des titres et améliorer son niveau technique), soit pour des raisons financières (on lui propose un salaire plus élevé), soit aussi pour régler un compte avec un dirigeant ou l'entraîneur du premier club. Parfois, ce passage à un club rival sert à retrouver une dignité ou pour réagir à une envie de mettre fin au contrat du joueur dans son premier club. Les sentiments jouent souvent un rôle fondamental dans cette question. Seuls les grands joueurs restent aussi généreux et brillants quand ils font cela. Ils sacrifient alors l'amour et la passion d'une ville, d'un large public, pour essayer de conquérir le cœur des supporters qui l'insultaient hier. Mais cela devient de moins en moins polémique. Le public s'habitue petit à petit à ce genre de transferts. Il n'oublie jamais certes, mais il s'habitue à «aimer» le joueur qui défend actuellement ses couleurs. Celui qui perçoit son salaire du club, donc un salarié fidèle, et non un joueur passionné, formé au club et qui jure fidélité à vie pour ce club. Le football d'aujourd'hui en Tunisie tend plus vers une sorte d'appartenance de raison, de rendement en contrepartie d'avantages, plutôt que d'appartenance de cœur. Le joueur qui se donne le plus, qui porte le maillot du club est celui qu'on aime quelle que soit son origine, s'il jure ou pas fidélité aux couleurs du club. La loyauté en général est celle du moment, de l'efficacité. C'est ce qui compte le plus.