«Je suis certain que dans toute association autre que le Stade Tunisien, j'aurais fait beaucoup mieux. J'ai été promu avec les seniors alors que j'évoluais encore avec les cadets. De notre temps, on donnait toutes leurs chances aux jeunes. Maintenant, notre foot ne sait plus former de grands joueurs tant il est vrai que les clubs s'appuient sur les étrangers. En 1982, l'Italie a remporté la Coupe du monde, alors qu'une interdiction de recours aux étrangers frappait ses clubs. C'est dire... C'est peut-être le temps des regrets pour moi. Des opportunités pour aller jouer à l'étranger s'étaient présentées. Le club allemand du FC Cologne, et français de Nîmes Olympique ont voulu m'engager. J'aurais pu, également, aller en Arabie Saoudite et devenir le premier Tunisien à y évoluer, bien avant Temime Lahzami. Mais à chaque fois, notre président Hédi Enneïfer s'opposait farouchement à une telle perspective. Pourtant, il a libéré un tas de joueurs stadistes. Quand je lui demande des explications, il me dit que les autres, il peut les remplacer. Pas moi. J'aurais pu signer au Club Africain. Son président Azouz Lasram m'a promis un poste à la BNA et une maison à Ben Arous. Mais à quoi peuvent bien servir les regrets ? Mektoub. On ne peut rien contre les coups du sort. «Je mérite le Soulier d'Or» Il me reste aussi un autre regret. J'étais parti sur un goût d'inachevé puisque je n'ai pas eu la carrière internationale espérée. Pourtant, j'ai fait toutes les sélections des jeunes, à partir des minimes. L'entraîneur national de l'époque Ameur Hizem convoque les Sboui, Cassidy, Tounsi... et ne fait pas appel à moi, qu'est-ce à dire ? L'alibi selon lequel j'étais trop jeune et que je risquais d'attraper la grosse tête ne tient pas debout. Si je mérite l'équipe nationale, il faut m'appeler, c'est tout! J'aurais aussi mérité tout autant qu'Ahmed Mghirbi le Soulier d'Or 1972. Je savais mouiller mon maillot. A la mi-temps, j'en porte un nouveau aux vestiaires car le premier se transforme en une sorte de «chiffon» trempé de sueur. Limam, Kerrit ou Tounsi, je les gavais de passes décisives : j'étais en effet un constructeur, pas un buteur. Nous touchions une prime de cinq dinars. A l'occasion de notre victoire en demi-finales contre l'Espérance de Tunis, on nous a offert sept dinars cinq cents. Le président du club n'avait pas les moyens de payer les primes de victoire. Il nous avoua aussi qu'il ne savait pas où il pourrait trouver les frais d'une mise au vert au cas où une deuxième édition de la finale de 1972 face au Club Africain s'imposait. Il nous fallait en quelque sorte trancher cette finale. Vainqueurs ou vaincus! La mise au vert à l'hôtel Salwa de Borj Cédria lui revenait à trois dinars par tête la nuitée».