Né le 2 octobre 1940 au Kef, Brahim Kerrit s'est installé à Tunis, à l'âge de deux ans, le père ayant intégré la Poste. A Jebel Lahmar, il a suivi l'itinéraire de la majorité des jeunes : le football. La cité est réputée pour ses interminables parties de foot et l'évidente passion de joueurs qui n'ont pas tardé à s'imposer dans les clubs civils : Hadj Ali, Laouini, etc. Brahim Kerrit, lui, avait un penchant pour le Stade Tunisien, mais également pour l'Espérance. S'il signe sa première licence en 1953 au profit de l'équipe du Bardo, c'est par l'influence de son idole Noureddine Diwa qui l'impressionnait déjà par ses exploits dans la catégorie des juniors. Kerrit est ravi par la constante progression de cette équipe de deuxième division, par les entraîneurs Draoua et Rachid Turki, commençant même à rêver, il rêve de faire de son pied gauche une carrière prodigieuse et une attraction pour le grand public. Ses entraîneurs perçoivent cette ambition, la valident et œuvrent pour favoriser son accomplissement. A dix-huit ans, Brahim Kerrit est déjà un footballeur suffisamment armé pour les grandes batailles. Mais, c'est un concours de circonstances qui est à l'origine de son premier match senior à la fin de la saison 1957-58. La défaillance volontaire de Diwa et de Braïek, lui permet d'être aligné avec Moncef Chérif pour la première fois avec les seniors. L'adversaire, l'USMenzel Bourguiba, pratiquement condamné à la relégation, subit une véritable correction : huit buts à un. Brahim Kerrit séduit par sa technique, sa rapidité et son opportunisme (2 buts). Il ne quittera plus l'équipe et son rêve commence à accéder progressivement à l'univers de la réalité même s'il doit se contenter du rôle de spectateur lors de la finale ST-ESS(2-0). Quelques mois plus tard, Brahim Kerrit dispute son premier grand classique : EST-ST. Le 21 septembre 1958, il est opposé à une vieille connaissance, Hadj Ali, mais l'absence de son idole, Diwa, est fatale. Le ST ne semble pas en mesure de reconquérir le titre obtenu en 1957 et la déroute au match retour, sans Kerrit, consacre la suprématie de l'Espérance. Le jeune Brahim commence à s'impatienter et cherche de nouveaux motifs de satisfaction pour entretenir sa passion et préserver son ambition. La saison 1959-60 est placée sous le signe du couronnement ,mais le ST est irrégulier, laissant encore une fois à l'Espérance un accès facile au titre. Pourtant, dans les confrontations directes, Brahim Kerrit a pu enfin obtenir un bilan positif : un nul et une victoire. Le syndrome est donc brisé. L'ailier gauche stadiste, doit toutefois, réussir le grand rendez-vous de la saison : la finale de la Coupe face à l'Etoile. C'est sa première participation à un tel évènement et son équipe n'a pas l'habitude de connaître la panne : deux succès en deux finales (1956 et 1958). Le dicton est confirmé : «jamais deux sans trois». Brahim Kerrit commence à se tisser un palmarès. Les événements se succèdent dès lors à grande vitesse. L'étoile montante du football tunisien devient un candidat très sérieux pour l'Equipe de Tunisie. Kerrit séduit Kristic qui cherche un successeur à Mejri Hénia, vieillissant, en vue des difficiles rencontres aux Jeux olympiques de Rome. Le 17 juillet 1960, son attente connaît son épilogue car cela fait plus d'un an qu'il souhaite rejoindre en sélection son compagnon Moncef Chérif. Face à la Tchécoslovaquie, Kerrit peut alors mesurer le fossé qui sépare le football tunisien de celui de l'Europe et les difficultés qui attendent l'équipe cinq semaines plus tard à Rome. Ses appréhensions s'aggravent par les deux défaites concédées lors de la même tournée face à la Hongrie (1-10) et la Yougoslavie (0-7). Dès lors, pour Brahim Kerrit, l'essentiel est de se présenter au mieux de ses moyens pour répondre à l'attente de celui qui lui fait confiance, Kristic. Il tire son épingle du jeu, inscrit face à la Pologne et l'Argentine deux buts qui font son bonheur pour classer, plus tard l'évènement parmi ses meilleurs souvenirs malgré les trois défaites concédées en autant de rencontres. Il a le sentiment de voyager à proximité des sommets et se rappelle un proverbe chinois: «Quand tu es en haut de la montagne, continue à grimper». Brahim Kerrit est toutefois conscient que les âmes fragiles ne vont pas loin, se fait une autre philosophie de la vie et se tient à son objectif purement sportif. Il est titulaire et rayonnant, justifiant le choix des dirigeants. Mais l'OCG Nice est très vulnérable en défense, encaissant même huit buts à Sedan et concédant sept défaites à domicile. La relégation sanctionne alors un parcours insuffisant et module les aspirations de Brahim Kerrit qui commence à ressentir les méfaits de la solitude. Il constate alors qu'un footballeur a besoin d'un soutien affectif permanent qui apporte le réconfort quand cela est nécessaire. Il perd progressivement de sa verve et joue alternativement en seconde division. Le retour au bercail devient alors inéluctable. Dès la première journée de la saison 1965-67, Brahim Kerrit fait face à l'ASM une démonstration de football (5-1). Le ST est théoriquement en mesure de conserver son titre, mais l'équipe est irrégulière. La finale de la Coupe constitue néanmoins le repêchage indiqué. Brahim et Mohamed Kerrit sont associés en attaque à Lahmar et Chérif, mais l'ASM est toujours coriace. La traversée du désert se limitera toutefois à trois saisons pour Brahim Kerrit qui expédie les matches avec l'unique satisfaction de se procurer du plaisir. Le départ de Lahmar à Bel Abbès, la retraite de Moncef Chérif et les aléas du sport convergent vers un affaiblissement de l'équipe qui se contente du statut de trouble-fête. La saison 1968-69 a failli relancer le ST en Coupe de Tunisie, mais le grand Club Africain l'en a empêché au terme d'une confrontation mémorable. Brahim Kerrit commence à décrocher, mais saisit l'opportunité que lui offre le CSHL pour se faire une seconde jeunesse. Aux siens, au Stade Tunisien et à toute la famille du football, La Presse adresse ses condoléances et prie Dieu d'accueillir le disparu dans Son infinie Miséricorde. (Forza Baklawa)