Par M'hamed JAIBI L'accord de Carthage puis sa traduction en un gouvernement d'union nationale effectif, permettent au pays d'être en mesure de concevoir une stratégie consensuelle de reconstruction du pays qui devra établir des compromis décisifs et faire bouger les «lignes rouges» proclamées par les divers protagonistes. Au nombre de ces «lignes rouges», celles prônées par l'Ugtt face à l'éventualité d'une dose de privatisation pouvant toucher des entreprises publiques ou à participation publique. Et l'Ugtt bénéficie, sur cette «exigence de principe», de l'appui de la gauche radicale et de franges parmi les «nationalistes arabes» et les partis issus du CPR. Il se trouve, cependant, que de nombreuses entreprises publiques soufrent de graves défaillances au niveau de leur gestion et gagneraient à être soit réformées soit cédées entièrement ou partiellement, afin de bénéficier d'une gestion qui soit conforme à leur statut d'entreprises actives dans les secteurs économiques concurrentiels. Encore faudra-t-il s'entendre à propos des véritables frontières des «activités concurrentielles» et en élaguer les inspirations idéologiques sur la place et le rôle de l'Etat. L'expérience tunisienne a montré à quel point certaines privatisations pouvaient générer des performances, tout en améliorant les conditions sociales des salariés du secteur. Sachant que dans d'autres cas, l'option s'est avérée peu porteuse ou parfois néfaste, nécessitant une reconsidération. La gestion privée ou de type privé apporte la rigueur, la discipline et la rentabilité, là où le laxisme du secteur public amène les rentes de situation, les droits acquis et le laisser-aller. D'où l'intérêt qu'il y a à ce que l'Etat ou les municipalités cèdent à l'initiative individuelle mille et une activités coûteuses. Comme la construction des routes, la canalisation, le ramassage des ordures, le câblage, la dératisation... auxquels pourraient s'ajouter mille autres tâches relevant directement aujourd'hui de l'administration publique, comme les autorisations de bâtir que ravage la corruption, les urgences médicales minées par la mauvaise gestion, l'inefficacité et les souffrances des patients, l'entretien des jardins publics et des zones vertes... La montée vertigineuse de la masse salariale publique qui alourdit le budget et vide les caisses de l'Etat, pourrait ainsi s'alléger au profit d'entreprises modernes aux normes internationales et soumises à la régulation et à l'arbitrage de l'Etat. L'enjeu est essentiel pour le pays. Il ne s'agit pas d'un choix idéologique en faveur du privé et du capitalisme, mais une option pouvant rationaliser les dépenses publiques, responsabiliser les citoyens comme opérateurs économiques et améliorer les services et activités commerciales indûment dévolues actuellement à l'Etat. Et cela peut, avec certaines précautions, touchant la distribution de l'eau de robinet, de l'arrosage agricole, de l'électricité. Tout comme l'on a pu privatiser le téléphone et la télévision, ou créer des sociétés de transport public. Un secteur pourtant à essence sociale, toujours déficitaire.