En général, et partout à travers le monde, le processus de privatisation s'inscrit dans le cadre de la politique de désengagement des activités concurrentielles. Cette politique, en Tunisie, a été initiée depuis le début de l'année 1990. Elle s'est accélérée sans relâche à partir de 2000. Cette accélération s'explique par la volonté des pouvoirs publics de faire de ce concept un chemin qui renforce davantage le secteur privé aux dépens du secteur public. Mais, malheureusement, l'Etat n'a jamais procédé à une vraie étude comparative des situations d'avant-privatisation et d'après-privatisation pour en tirer les conséquences qui soient en mesure de lui permettre de faire des rectifications en cas de besoin. Ainsi, l'on se demande par quel objectif on a évité de révéler la vérité intrinsèque de la situation micro-économique et qui en profite réellement. Pour certains responsables économiques en Tunisie, la cession totale ou partielle des entreprises publiques relevant de divers secteurs de production et de service a constitué une source financière relativement bénéfique pour l'allègement des charges publiques. Pour eux, cette manne financière doit bien encourager l'Etat à utiliser les deniers et les finances publics d'une manière qui assure des transformations positives sur le développement macroéconomique. Mais en allant au fond des choses, on constate clairement que la privatisation a bien connu des moments difficiles qui ont créé des situations sociales critiques. Selon les statistiques, le gouvernement tunisien a cédé 217 entreprises publiques ou semi-publiques depuis le lancement du programme de privatisation, il y a vingt-deux ans. Les chiffres d'affaires de la cession des entreprises publiques n'étaient pas importants et selon un bilan officiel arrêté au 31 décembre 2008, ces opérations de privatisation ont rapporté aux caisses de l'Etat quelque 6,013 milliards de dinars, dont environ 90% d'investissements étrangers. Le secteur des services est le plus touché par l'opération de privatisation avec 53,9% des entreprises cédées, suivi de l'industrie (37,8%). Quant aux secteurs de l'agriculture et de la pêche, l'opération de privatisation était faible. Elle se situe aux alentours de 8%, car l'Etat suit encore une politique de protectionnisme, alors que les intentions futures vont dans la direction de la privatisation. Sur recommandation de la Banque mondiale, la Tunisie a adopté une nouvelle politique économique sous forme d'un plan d'ajustement structurel (PAS). En fait, la politique de privatisation tunisienne s'est présentée comme un moyen de réduction du poids du secteur public qui a bien alourdi les dettes de l'Etat. Ce PAS a été distingué par un volet portant sur des mesures d'ajustement et de libéralisation structurelles et un autre sur la stabilisation macroéconomique. Selon certains économistes et hommes d'affaires tunisiens, la privatisation a eu un impact positif. Ce désengagement de l'Etat, surtout des secteurs bien productifs, a fait apparaître une modernisation des techniques de production et a donné la possibilité d'adopter des procédures de gestion des entreprises transférées au secteur privé. C'est ainsi d'ailleurs que «la quasi-totalité des entreprises et des unités privatisées ont réussi à améliorer leurs performances», indique un récent rapport de la Commission d'assainissement et de restructuration des entreprises publiques ou à participation publique. Nouvelles approches L'impact microéconomique relatif à chaque entreprise prise à part, dans son ensemble, n'est pas satisfaisant faute d'une politique sociale bien ciblée dans le temps. Ce qui explique que les salariés, les cadres et autres acteurs n'ont pas évolué d'une façon positive, leur permettant d'être au diapason des évolutions technologiques. Aussi, l'impact macroéconomique était-il bien présent surtout que la grande partie des investissements directs (étrangers ou nationaux) a des objectifs à court terme dont le principal caractère est le profit immédiat avec les moindres coûts (et dans les meilleurs délais, bien entendu). Cette nouvelle orientation économique a créé une importante contrainte sociale. Justement, aux yeux de la majorité des citoyens, la privatisation est une menace et un danger pour les postes de travail. Cette contrainte sociale s'est vue prendre une grande dimension par l'arrivée sur le marché d'emploi des demandeurs d'emploi surtout de la part des diplômés. Cette vérité découle de certains facteurs : premièrement la hausse du taux de chômage qui a atteint la barre de plus de 20% (officiel 14,2%). Pour certaines parties, le nombre de chômeurs, toutes catégories confondues, est de l'ordre de 700.000 personnes. Le manque d'emploi s'est aggravé d'une année à l'autre et l'Etat n'était pas en mesure de satisfaire les demandes d'emploi, même s'il a essayé, avec des programmes mal adaptés aux situations, de répondre au besoin du marché d'emploi. Ce qui a compliqué cette situation est surtout le comportement des ministres et des responsables qui sillonnent les régions et qui ont tenu des réunions et des tables rondes en annonçant de nouvelles créations importantes aussi bien au niveau de l'emploi que des entreprises. Ces chiffres n'étaient qu'une manipulation publicitaire pour rassurer les nouveaux demandeurs. Cette fausse manœuvre est la spécialité de certains ministres de l'ancien régime et qui étaient chargés du dossier de la privatisation, de la création des entreprises et de l'emploi. Cette vérité nécessite la réouverture de tous les dossiers et l'engagement de nouvelles approches qui soient fiables.