Par M'hamed JAIBI Youssef Chahed ne laisse personne indifférent. Bousculant ainsi les schémas, les alliances et même tout l'échiquier politique du pays, il vient remettre à l'ordre du jour une bonne discussion de fond sur la réalité du pays, les attitudes et positionnements de chacun et les actions que l'on pourrait entreprendre, ensemble où chacun de son côté, pour avoir une chance de redresser la situation et sauver le pays. Une équipe éclectique matérialisant la diversité Premier acte de ce nouvel état de fait, suite au lancement par le président Caïd Essebsi de l'idée d'un gouvernement d'union nationale, la construction d'une équipe réellement éclectique mais cohérente pour matérialiser le nouveau consensus élargi adossé au document de Carthage. Une équipe qui, au même moment, matérialise la diversité et réussit la synthèse. Au point que les frontières séparant les sensibilités et les groupes parlementaires se sont remodelées et qu'un nouveau bloc hétérogène tout à fait inédit s'est constituer pour faire front. Des propositions qui déplacent les clivages Mais, malgré ce redéploiement des opposants résolus de tout bord, les gens restaient sceptiques quant aux capacités de ce gouvernement à faire bouger, plus que plusieurs autres avant lui, la finance et l'investissement dans le pays. C'est alors que contournant les débats de coulisse sur ce que pourrait apporter de nouveau la loi de finances, Chahed lance en direct sur les ondes ses propositions concrètes de déblocage de la crise, lesquelles impliquent salariés et hommes d'affaires. Et même si l'Utica reste sceptique, alors que l'Ugtt veut négocier, le gouvernement a clairement identifié un pécule virtuel pouvant faire sortir le pays de l'ornière. Au point que Abassi affirme solennellement que la centrale syndicale est «d'accord pour une trêve sociale, afin de sauver le pays» à la condition que «toutes les parties sociales appliquent tous les accords». Ce «nouvel accord» que Chahed affirme vouloir «instaurer entre le gouvernement et les partenaires sociaux». Les 50% des non-déclarés Mais l'Ugtt s'interroge légitimement, au même moment, sur tous ceux qui ne paient rien à l'Etat et profitent de tout. Sur les 50% de commerçants non patentés, opérateurs de fait, contrebandiers, rentiers, intermédiaires...qui ne paient ni taxes ni impôts. Pourquoi donc demanderait-on la trêve seulement à l'Ugtt ? Et l'Ugtt autant que les chefs d'entreprise patentés ont tout à fait raison d'appeler soit au démantèlement du secteur informel soit à son enrôlement dans l'assiette fiscale nationale. Tout cela est vrai et tout à fait légitime. Mais il s'agit de débloquer la crise paralysante et d'apporter d'urgence un pécule pouvant redonner vie aux finances publiques. Pour que la Tunisie n'aille pas «dans le mur» Certes, les propositions de Chahed ne sont pas des plus équitables au regard de l'évasion fiscale, de la contrebande, des auteurs de malversations et de délits de change, mais elles représentent un pis-aller honorable accordant à l'Etat les moyens provisoires permettant un redémarrage de l'initiative nationale. Il s'agit d'un emprunt de fortune auprès des forces vives que le gouvernement se propose de contracter dans le but de financer le démarrage d'un ambitieux programme volontariste de sauvetage du pays par la relance de l'action sociale, de l'emploi, de l'investissement et du développement. Afin que la Tunisie n'aille plus «dans le mur».