Qualifiée, à juste titre, de pilote, l'expérience de la commune de Sfax en matière de budget participatif est l'objet d'intérêt en Tunisie et à l'étranger. Certes, chapitre budget participatif, la commune de Sfax n'est pas pionnière, ayant été précédée par celles de Tozeur, Gabès, La Marsa et Menzel-Bourguiba qui s'étaient engagées dans ce processus de démocratie participative, en 2014, alors que Sfax ne s'y est impliquée qu'en 2015. Il n'en demeure pas moins vrai, cependant, que l'expérience de Sfax se singularise d'abord au niveau du budget alloué à ce processus, soit trois millions de dinars, une enveloppe dont le montant dépasserait celui des budgets réunis, consacrés par l'ensemble des municipalités du pays. Me Mabrouk Ksomtini, président de la délégation spéciale, situe le processus actuellement à la phase de codécision, précisant que l'appel d'offres a déjà été lancé concernant les 25 projets retenus sur les 30 présentés en 2015 par les délégués des 10 zones d'habitation territorialement déterminées au préalable. Il est entendu, évidemment, que la réalisation des projets est attendue pour 2016. Le président de la délégation spéciale fait remarquer également que les délégués avaient assisté à la cérémonie d'ouverture des plis et pris part aux commissions des marchés, ajoutant qu'ils vont même participer au suivi de l'exécution des projets : «La municipalité va, à cet effet, leur attribuer des badges, sachant toutefois qu'en cas de réclamation, ils sont tenus d'en référer au conseil municipal.» Notre interlocuteur loue aussi le niveau de participation des femmes et des jeunes, dont il situe le taux à 30% par rapport aux 1.600 citoyens qui se sont engagés dans le processus de budget participatif, ce qui représente une représentativité significative quant à l'implication volontaire des femmes et des jeunes dans les affaires de la cité. Outre l'enveloppe conséquente, voire inégalée à l'échelle nationale, Me Ksomtini affirme que le directeur des affaires financières au sein de la municipalité va présenter l'expérience sfaxienne à Grenoble, ville jumelée avec Sfax, qui y a marqué un intérêt particulier. L'on s'attend également à ce qu'elle serve de source d'inspiration pour des villes tunisiennes. Une approche participative Au niveau de la généralisation du processus de budget participatif, notre interlocuteur déclare : «En collaboration avec la municipalité de La Marsa, des démarches sont entreprises pour que le centre de formation et d'appui à la décentralisation se charge de la formation de facilitateurs d'autres villes tunisiennes, en vue de généraliser l'expérience à tout le territoire national». Concernant la genèse du processus de budget participatif, le président de la délégation spéciale met en avant la méthodologie adoptée : «Précédée d'une campagne d'information et de sensibilisation utilisant divers supports, la mise en route du processus débute avec la détermination du montant qui y sera consacré dans le budget d'investissement de la commune. C'est donc aussi bien dans les limites de ce montant que dans celles des deux rubriques préalablement définies, en l'occurrence l'infrastructure routière et l'éclairage public, que les citoyens ont eu le loisir de choisir librement les projets qu'ils souhaitaient voir se réaliser. Par la suite, il y a eu une première réunion de sensibilisation et d'information avec une quarantaine d'associations du tissu associatif auxquelles une présentation a été faite du concept de budget participatif. Au cours de la réunion qui a suivi, il a été procédé à la sélection des facilitateurs par les associations et en même temps à la signature d'une convention entre la municipalité et ces mêmes associations, ce qui a doté le processus d'une base contractuelle. Il est utile à ce propos de mettre en exergue l'assistance fournie par l'Action Associative, relevant de la GIZ, agence de coopération technique allemande.Au cours de la troisième étape, on a procédé au découpage du territoire communal en dix zones d'habitation.A la suite de quoi il y a eu une réunion les week-ends : les samedis avec les citoyens dans chaque zone d'habitation en vue de leur présenter le concept de budget participatif de façon simplifiée. Il s'agissait de séances de vulgarisation caractérisées par les interventions des citoyens qui ont exposé leurs problèmes, leurs aspirations, leurs doléances, leurs critiques, etc. Les dimanches, les rencontres au cours desquelles les citoyens ont fait leurs propositions concernant les projets souhaités étaient ponctuées d'échanges avec les directeurs techniques concernant la faisabilité technique de ces projets, avant de passer au vote pour sélectionner lesdits projets à raison de trois par zone d'habitation. Par la même occasion, on procédait à l'élection des délégués des zones d'habitation qui doivent obligatoirement se composer d'un homme, d'une femme et d'un jeune. Pour plus de transparence, lors de ces réunions avec les citoyens,les séances étaient marquées par la présence de l'association Atid. Enfin, lors de la cinquième et dernière étape, avait lieu une réunion avec l'ensemble des 30 délégués en présence de responsables communaux, qu'il s'agisse de membres du conseil municipal ou d'administrations, dont les travaux ont abouti, après discussion, à l'adoption des projets qui seront réalisés dans les limites de l'enveloppe réservée au budget participatif, soit 25 projets sur les 30 présentés initialement.»