79% des Tunisiens ne possèdent pas de livres chez eux et 81% n'ont jamais eu le courage de terminer la lecture d'un bouquin... Deux jeunes membres d'une association ayant pour noble objectif de promouvoir le livre, et d'exhorter les jeunes à la lecture, étaient les invités d'une émission radiophonique. J'ai été profondément heureux de découvrir qu'il existe encore dans mon pays, embrumé par les ténèbres de l'inculture, l'ignorance et l'abrutissement, de tels éclats de lumière qui croient encore à l'apport salvateur de la lecture et militent pour sa propagation et sa vulgarisation au sein des jeunes. Tâche durement ardue, diriez-vous, mais pas du tout impossible, tant que demeurent en Tunisie des jeunes autant motivés et encore habités par le génie de la lecture, ce mane d'un passé lointain... Autant de même, j'ai été sidéré et ulcéré par la boutade de la jeune militante prométhéenne en réponse à une question de l'animateur, qui l'interrogeait sur la réaction des voyageurs du train qu'elle prenait quotidiennement, en la voyant totalement focalisée sur son bouquin...? Elle rétorqua avec une amère ironie : «Une fois, j'ai été franchement choquée par la remarque d'un jeune étudiant à son copain, assis devant moi. L'un d'eux a remarqué : dommage qu'une si belle fille perd son temps dans des futilités... la pauvre, elle doit s'ennuyer?!». C'est tout dire. Rien de mieux pour expliquer la bêtise et l'indigence intellectuelles dans lesquelles sombrent nos jeunes universitaires...! La lecture est devenue un calvaire pour nos jeunes, vidés de leur substantifique moelle cognitive et abrutis par ce tsunami de chaînes khalijiennes, et les vagues déferlantes des réseaux sociaux, qui ne visent qu'à l'acculturation de la jeunesse arabe et son aliénation idéologique, psychologique et intellectuelle, en accaparant son temps et son attention par un matraquage de programmes et de feuilletons abrutissants et des séries de jeux mafieux dotés de sommes fabuleuses et de concours de chants qui propulsent des vedettes émergées du néant, en berçant l'imaginaire d'un nombre important de nos jeunes frustrés et habités par des ambitions démesurées, et des rêves chimériques qui leur reflètent les mirages efflorescents de la gloire! Quelle lecture aussi attractive soit-elle, nonobstant bien sûr les parchemins obscurantistes des prêcheurs de la mort, pourrait retenir l'attention de ces jeunes déboussolés et en perte de repères...? A partir du moment où ils trouvent leur refuge exutoire dans des chaînes hybrides et des réseaux sociaux aliénants. Il se trouve des élèves en terminale et même des étudiants qui se targuent d'avoir réussi leur cursus sans avoir jamais lu un seul livre, en dehors des textes de leurs programmes scolaires et universitaires. Un seul regard jeté sur certains sondages récents nous édifie sur la triste réalité de nos jeunes générations. Ainsi, il apparaît que 79% des Tunisiens ne possèdent pas de livres chez eux et 81% n'ont jamais eu le courage de terminer la lecture d'un livre, au cours de toute une année !! La situation n'est pas autant meilleure pour le reste du monde arabe, où l'ensemble de ses éditions annuelles de livres sont inférieures, ou à peine égales, aux éditions de l'Espagne et ne parlons pas de la France, de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne et j'en passe, où l'écart est ahurissant ! Voilà le secret de leur réussite ainsi que notre amère réalité et le triste facteur de notre déchéance !