Par Samira DAMI Pour célébrer le 50e anniversaire des JCC (Journées cinématographiques de Carthage) loin des paillettes et des mondanités, tout un programme, pour le moins consistant, est proposé au public et aux cinéphiles. L'objectif est clair : créer du sens, rappeler les fondamentaux de la manifestation arabo-africaine, rappeler le combat des pionniers en leur rendant hommage et raviver la mémoire fertile. Mohamed Challouf, acteur culturel, photographe, directeur des rencontres cinématographiques de Hergla et réalisateur du documentaire «Taher Cheriaâ, à l'ombre du Baobab», a mijoté un menu, à première vue, des plus alléchants, voire des plus savoureux. En parcourant les titres de la centaine de films arabes et africains qui seront projetés dans plusieurs salles, on ne peut que saisir l'importance des JCC qui ont tant contribué à promouvoir et à aider des «cinémas naissants, encore fragiles ainsi que des auteurs audacieux et originaux du monde arabe et africain». 50 ans après sa naissance, la manifestation arabo-africaine a, au fil du temps, représenté le fer de lance des cinémas du Sud, en contribuant largement à révéler plusieurs noms importants des cinémas du continent : Sembène Ousmane, Taoufik Salah, Youssef Chahine, Souleymane Cissé, Djibril Diop Mambety, Gaston Kaboré, Mohamed Mallas, Michel Khleifi, Merzak Alouache, Mahmoud Ben Mahmoud, Abdellatif Ben Ammar, Moufida Tlatli, Borhane Alaouié et tant d'autres. Ainsi, pour réaliser cette partie du programme célébrant le 50e anniversaire des JCC, Mohamed Challouf a tenu à associer deux structures du continent : la Fepaci (Fédération panafricaine des cinéastes), une institution historique du cinéma africain, née à Tunis en 1970, et la Fédération africaine des critiques de cinéma, afin de sélectionner des œuvres majeures ayant marqué la mémoire collective arabo-africaine. Outre le colloque (les 29 et 30 octobre) portant sur «le patrimoine cinématographique en péril», sont prévues trois rétrospectives. D'abord, «le palmarès des JCC» où une cinquantaine de films, entre courts et longs métrages ayant remporté des Tanits (or, argent, bronze) sont programmés dans plusieurs salles de la capitale. Citons-en: «Kafr-Kassem» de Borhane Alaouié (Liban), «La leçon des ordures» de Cheick Oumar Sissoko (Mali), «La noire de...» de Ousmane Sembène, «La pirogue» de Moussa Touré (Sénégal), «Aziza» de Abdellatif Ben Ammar, «Et demain» de Brahim Babaï, «Les ambassadeurs» de Nacer Ktari, «Les silences du Palais» de Moufida Tlatli, (Tunisie) «Le charbonnier» de Mohamed Bouamri (Algérie), «Les dupes» de Taoufik Salah (Egypte), «Les rêves de la ville» de Mohamed Malas (Syrie), «Le Franc» de Djibril Diop Mambéty (Sénégal) et autres. Ensuite, place aux films restaurés, quatre en tout, dont «Omar Gatlato» de Merzak Alouache et «les Baliseurs du désert» de Nacer Khmir. Enfin, de son côté, la Fepaci rend hommage, dans une sélection de cinq films, aux pionniers à travers des documentaires, dont «Sembène Ousmène, le docker noir» de Fatma Zohra Zamoun et «Sotigui Koyaté, un griot moderne» de Mahamet Salah Haroun. De son côté, la Fédération africaine des critiques de cinéma (Facc) a sélectionné 7 films, dont «Amok» de Souheil Ben Barka (Maroc), «La momie» de Shadi Abdessalem (Egypte), «Le vent des Aurès» de Lakdhar Hamina (Algérie), «Yeelen» de Souleymane Cissé (Mali) Ressourcement Ainsi, si le colloque offre l'occasion aux professionnels et spécialistes pour réfléchir sur les meilleurs moyens de sauvegarder le patrimoine filmique arabe et africain, donc la mémoire, les rétrospectives, entre «le palmarès des JCC», «les films restaurés», «l'hommage aux pionniers» et autres, offrent une occasion rare de voir ces films, donc des rendez-vous à ne pas manquer, afin de (re)découvrir des films majeurs du continent qui ont forcé l'admiration partout où ils sont passés. Et ce n'est qu'en ayant connaissance de l'âpre lutte menée par les «seniors», tant ils ont œuvré dans des conditions difficiles et précaires, vu le manque crucial de moyens, que les «juniors» continueront sur la voie de la création cinématographique afin d'apporter leur pierre à l'édifice des cinématographies arabes et africaines en ayant intériorisé des œuvres du passé. Côté public et cinéphiles, cette méga-rétrospective de belles œuvres arabes et africaines d'antan représente pour la plupart un réel ressourcement à ne pas rater. Mais croisons les doigts et souhaitons que ces «joyaux» soient projetés dans les meilleures conditions.