L'association Forza Tounes dépose un recours auprès du Tribunal administratif pour la réinstauration de l'autorisation préalable du gouverneur La nouvelle, lâchée le 31 octobre dernier, avait étonné l'opinion, voire choqué. Par ignorance, sans doute. Il s'agit de l'exemption des Libyens de l'autorisation préalable délivrée par le gouverneur pour l'acquisition d'un bien immobilier en Tunisie. Une décision émanant de l'administration foncière tunisienne qui fait ainsi la lumière sur un ancien accord bilatéral tuniso-libyen datant de 1961-1962 sur la base de la réciprocité des droits et des avantages. C'est après l'éclatement de la crise libyenne en 2011 et la migration de milliers de familles vers la Tunisie fuyant la répression, que des centaines d'entre elles ont eu recours à ce droit pour acquérir des biens immobiliers, dépoussiérant ainsi un accord bilatéral non appliqué, selon l'association Forza Tounes, depuis plus d'une cinquantaine d'années. Ce qui explique, peut-être, la difficulté rencontrée par ces familles libyennes auprès des services d'enregistrement des biens immobiliers et leur décision de recourir aux tribunaux tunisiens pour faire valoir leur droit. Il s'agit de 70 jugements, selon le conservateur de la propriété foncière, qui ont tous avalisé le droit des Libyens d'acheter des propriétés en Tunisie. A la lumière d'une circulaire du ministère des Finances datant du mois de février dernier, les droits d'enregistrement ont été fixés à hauteur de 6% de la valeur du bien, à raison de 5% au bénéfice du Trésor public et 1% pour la conservation de la propriété foncière. Question d'ordre sécuritaire et socio-économique Cette affaire, aussi légale soit-elle, a fait réagir les réseaux sociaux et l'association Forza Tounes qui a fortement exprimé sa désapprobation, d'abord, en publiant sur sa page facebook un communiqué, signé par Souheil Bayoudh, son président, pour expliquer le pourquoi de sa réaction, puis, en déposant lundi dernier un recours auprès du Tribunal administratif demandant la réinstauration de l'autorisation préalable du gouverneur. Les raisons de cette réaction sont d'ordre sécuritaire et socio-économique. L'autorisation du gouverneur est un moyen de contrôler, voire de sélectionner les acquéreurs. Elle est également une source importante d'informations pour les forces sécuritaires. Son annulation, selon l'association, «encouragerait des éléments terroristes à s'installer en Tunisie, à y blanchir leur argent et à terme en faire une base pour leurs plans criminels». Sur les plans économique et social, Forza Tounes craint, contrairement à l'avis des promoteurs immobiliers qui se frottent déjà les mains, que la dynamisation de l'accord bilatéral et l'annulation de l'autorisation du gouverneur entraînent une hausse des prix de l'immobilier et pénalisent par conséquent le consommateur tunisien qui fait déjà face à une détérioration sans précédent de son pouvoir d'achat. Riposte du secrétaire d'Etat chargé des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières : «Il y a un stock de 400 mille appartements dans le Grand Tunis et à Nabeul qui n'ont pas été achetés par les Tunisiens». Et de rappeler que des accords de propriété ont été signés également avec les Marocains, les Algériens, les Français et même les Nigériens (pas en vigueur). Mais si l'achat de propriété immobilière est libre et sans contrainte pour les Marocains en Tunisie — et pour les Tunisiens au Maroc —, il l'est partiellement pour les Algériens : l'annulation de l'autorisation du gouverneur a été décidée seulement pour les résidents en Tunisie en 2012. La raison est, qu'en Algérie, l'autorisation du gouverneur est imposée à tous les Algériens. Pour la Tunisie, le respect de ces accords est incontournable, la Constitution de 2014 faisant prévaloir ces conventions d'établissement sur la législation nationale. Forza Tounes ne l'entend pas de cette oreille, puisqu'elle a appelé l'ensemble de la société civile du pays à se mobiliser pour empêcher l'application de cette décision.