On commence par obliger les industriels à acheter le sucre à son prix réel en attendant les pâtes, le pain, la farine et le thé Dans la foulée des débats houleux qui ont accompagné la discussion du projet de la loi de finances 2017, aussi bien devant la commission des finances que lors de la séance plénière au Palais du Bardo où on a enregistré près de 68 amendements proposés par les députés, une mesure d'une importance capitale a été prise par le ministère du Commerce. Il s'agit de la suppression de la subvention pour les industriels de deux produits alimentaires de base : le sucre et l'huile végétale. Ainsi, les industriels n'achèteront plus le sucre et l'huile végétale aux prix exigés du consommateur ordinaire. En plus clair, adieu la compensation dont bénéficiaient les industriels qui achetaient le sucre à 1 dinar 90 millimes le kg (le citoyen ordinaire l'achète actuellement à 970 millimes), ils le payeront à l'avenir 1.487 millimes. Donc, ils ne profiteront plus des gains considérables qu'ils généraient en utilisant le sucre subventionné dans les produits qu'ils confectionnaient, principalement les gâteaux, dont la pièce est vendue aujourd'hui dans certaines pâtisseries dites de luxe à près de cinq dinars et les exemples ne manquent pas ! Se pose alors la grande question: la Caisse générale de compensation créée au début des années 70 du siècle dernier précédent à l'époque où Hédi Nouira était Premier ministre est-elle en train de vivre ses derniers jours? Youssef Chahed, chef du gouvernement d'union nationale, est-il en train de réaliser ce que Mohamed Mzali n'a pas réussi à faire fin décembre 1983 (le doublement du prix du pain qui est passé de 90 à 170 millimes) et qui a causé sa chute le 8 juillet 1986 quand il a été révoqué par Bourguiba et remplacé par Rachid Sfar ? Le plus jeune chef de gouvernement dans l'histoire de la Tunisie, soutenu par sa réussite à dompter les professions libérales qui payaient à l'Etat ce qu'ils voulaient, a-t-il déclaré la guerre aux profiteurs de la compensation que personne parmi ces prédécesseurs, tant à l'époque de Ben Ali (Hédi Baccouche, Hamed Karoui et Mohamed Ghannouchi) qu'à celle des gouvernements de la Troïka I et II et de Mehdi Jomâa n'ont osé approcher, en dépit de leurs discours interminables sur le gouffre sans cesse en augmentation imposé par la Caisse générale de compensation au budget général de l'Etat. Sauf qu'il y a toujours un mais : comment le gouvernement va-t-il s'opposer aux moyens auxquels auront recours les industriels pour contourner la décision les obligeant à laisser les produits concernés à ceux qui en ont besoin réellement ? Du côté de l'Organisation de défense du consommateur, on craint que ce soit le consommateur ordinaire qui paye les frais en attendant la suite. La suite, c'est la levée de la compensation sur le pain, la farine, les pâtes et aussi le thé. Pour le moment, les partis politiques, au pouvoir ou dans l'opposition, gardent le silence en attendant de voir quelles incidences aura sur le terrain, la décision libérant le sucre de l'avidité des industriels qui ne vont pas se taire à coup sûr. Youssef Chahed a gagné, samedi 10 décembre, la bataille de la loi de finances 2017. Il a ouvert, en parallèle, celle de la Caisse générale de compensation qui sera sûrement plus longue et plus dure.