Les magistrats de l'AMT se mobilisent pour que le Conseil supérieur n'entre pas en fonction avant sa composition définitive Quand Ahmed Souab, le magistrat administratif le plus médiatisé depuis la révolution, le juge qui n'a jamais mâché ses mots quand Noureddine B'hiri faisait la pluie et le beau temps au ministère de la Justice puis au palais du gouvernement, l'homme de loi qui n'a pas hésité à dire ses quatre vérités à Sihem Ben Sédrine, compagne des années de braise, est accusé par les magistrats de l'AMT (Association des magistrats tunisiens) d'être à la solde du gouvernement parce qu'il a accepté de présider la première réunion du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et supervisé l'élection du magistrat Hédi Zeramdini en tant que président du Conseil, il ne faut pas être au parfum de ce qui se passe dans le monde des magistrats pour comprendre que ces derniers n'ont pas réussi à dépasser les divisions et les tiraillements qui ont toujours marqué la grande famille de la magistrature. Et quand Raoudha Karafi, présidente de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), considère la réunion présidée par Ahmed Souab comme étant illégale et réussit à obtenir un jugement de la part du Tribunal administratif ordonnant le report de l'application des décisions issues de cette même réunion, on peut dire que le dossier du Conseil n'est pas encore clos et qu'on risque d'entrer dans un imbroglio juridique qui pourrait retarder encore son entrée en fonction. Le porte-parole du Tribunal administratif, Imed Gharbi, a notamment indiqué : «dans leur recours, les membres de l'AMT estiment que les décisions issues de la réunion du CSM tenue le jeudi 29 décembre 2016 sont illégales, anticonstitutionnelles et contraires à la loi», ce qui veut dire que les magistrats de l'AMT ne vont pas se contenter du jugement prononcé par le Tribunal administratif et qu'ils vont tout faire pour mobiliser le nombre de députés qu'il faut et les pousser à introduire un recours auprès de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois appelant à ce que les décisions du 29 décembre dernier soient déclarées nulles et non avenues parce que prises par une structure considérée elle-même comme étant illégale «dans la mesure où sa composition n'est pas encore achevée (le CSM en l'occurrence). Se pose dès lors la question suivante : l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois est-elle habilitée au cas où elle serait saisie par les députés qui s'aligneront sur la position de l'AMT à déclarer les décisions du CSM nulles et non avenues ? La question s'impose dans la mesure où les attributions de l'Instance concernent la constitutionnalité des lois organiques portant création de conseils ou d'instances constitutionnelles. Faut-il rappeler que l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois a déjà rendu deux avis considérant la loi portant création du Conseil supérieur de la magistrature comme anticonstitutionnelle, ce qui a poussé le président Béji Caïd Essebsi à avaliser, fin décembre 2015, la loi organique en question et à mettre fin à la polémique juridico-politique. Pour le moment, Raoudha Karafi et ses lieutenants n'ont pas encore évoqué leur intention de transférer la bataille d'abord au palais du Bardo pour s'allier les députés qu'il faut et ensuite devant l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois. Mardi, elle a tenu une conférence de presse qu'elle a consacrée à deux points qu'elle juge essentiels: la validation par Youssef Chahed des candidatures qui lui ont été proposées par l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire et l'application des avis rendus par le Tribunal administratif. En tout état de cause, avec les déclarations du Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) reprochant à l'AMT ses positions obéissant à des «agendas politiques», s'il y a un constat général, c'est bien celui de voir les justiciables perdre de plus en plus confiance en les magistrats et en la justice.