Il nous a fait pleurer. De joie, de fierté, de bonheur. En notre for intérieur, nous étions sûrs de sa victoire. Mais les sports individuels sont sans concession. Un moment d'inattention, un faux départ, un virage raté, un uppercut qui jaillit, une prise maligne qui s'amorce et... tout tombe à l'eau. Mais Ahmed Jaouadi était trop fort. Il était intouchable en ce Mondial 2025. La Presse — Humble vainqueur, il nous a comblés par son comportement, lorsqu'il s'est directement dirigé vers son entraîneur Philippe Lucas qui lui ouvre les bras et l'embrasse chaleureusement. Ce comportement est touchant mais exprimé avec cette spontanéité, il dénote la valeur morale de ce jeune grand champion. Nous n'avons pas été les seuls à être impressionnés. Voilà ce que pensent nos confrères égyptiens : «Le héros devant vous, Messieurs, c'est Ahmed Jaouadi, un nouveau visage de la gloire arabe dans le monde de la natation ! Ce Tunisien, un jeune homme de moins de vingt ans, a ébloui le monde depuis le cœur de Singapour, en remportant les médailles d'or du 800 m et du 1.500 m nage libre aux Championnats du monde de natation. Un exploit historique qui vient enrichir le palmarès du sport tunisien et arabe. Ce que Jaouadi a accompli n'est pas une simple coïncidence. C'est plutôt le fruit d'un travail acharné et d'une persévérance assidue, le prolongement naturel d'un parcours commencé par la légende de la natation Oussama Mellouli, poursuivi par Ahmed Hafnaoui, et aujourd'hui achevé par ce jeune champion qui a prouvé que les Arabes sont capables de briller dans les plus grandes arènes. Ahmed Jaouadi n'a pas seulement participé… il a concouru avec brio, surpassant les meilleurs nageurs mondiaux et offert à la Tunisie et au monde arabe, un rare moment de fierté, dans un sport dominé par les grandes puissances. Depuis l'Egypte, nous adressons tout notre respect et notre reconnaissance à ce héros. La gloire arabe ne connaît pas de frontières, et l'or ne se fabrique pas seulement dans les usines «mais est extrait du cœur de l'impossible». Terminons par une gentille mise au point à l'adresse de nos amis français qui ont favorablement commenté le déroulement de la compétition et posé la question «estce qu'on vous a dit où et avec qui il s'entraîne?». Bien sûr. Dans notre édition du 3 août 2025 (il faut lire La Presse), nous avons mentionné que ce sera la «dernière accolade avec son mentor Philippe Lucas. Ce professionnel, a été pour lui un véritable protecteur et c'est lui qui lui a redonné la joie de nager, après son échec aux derniers JO. D'ailleurs, en remontant du bassin après son 1.500m, la première personne vers laquelle il s'est dirigé était Philippe Lucas. C'était le minimum de reconnaissance, envers ce grand homme, qui prendra d'ailleurs en charge une de nos nageuses, Jamila Boulakbache. Jaouadi, au terme de ce Mondial, rejoindra, en effet, une université américaine. Une page se tourne, une autre s'ouvre, mais la reconnaissance et la fidélité sont éternelles. La vérité sur ce sacre Maintenant que c'est terminé, et que les médailles sont en poche, nous pouvons révéler ce que nous avons appris par le truchement de nos amis et anciens nageurs, qui ont contacté une personnalité proche de nous, pour nous signaler l'état dans lequel se trouvait Jaouadi, surtout après sa visite en Tunisie. Dix jours sous un soleil caniculaire, pour ne rien faire. Le moral à plat, il a été approché par des personnalités qui ont servi de loin ou de prés le sport tunisien, dont Maître Leila Dachraoui ancienne championne de natation, qui alerta sa camarade de club Faten Ghattas, dans le but de nous sensibiliser et d'intervenir auprès des responsables. Nous avons pensé que rien ne pouvait être fait avant la fin de la compétition. Les échos vont à la vitesse de l'éclair et Jaouadi aurait pu être déstabilisé par ce remueménage. Il fallait donc attendre. Nous avons dans une de nos éditions fait allusion à ces manquements, soutenant que l'on n'entretient pas un champion du monde avec des miettes, provenant des raclages appliqués des tiroirs. Rien n'a été fait et Jaouadi, comme le reste de ses camarades, a reçu quelques sommes qu'il a tout de suite remises à ceux auprès desquels il a emprunté de l'argent. Une partie de sa bourse ne lui est parvenue qu'après sa victoire au 800 m ! Il a dû compter sur des soutiens privés, dont une partie de la subvention de la Fédération internationale, pour mener à bien sa préparation et ses déplacements. La solidarité des Tunisiens Jaouadi, abandonné à son sort, a été pris en charge par des personnalités qui ont servi le sport à différents à degrés. Citons les pour l'histoire : Professeur Ali Al-Qarmazi — Chef du service de radiologie de l'hôpital de Boston et membre du Comité médical olympique de Paris 2024 – Professeur Karim AlChammari – Chercheur en physiologie de l'exercice, résidant au Qatar Professeur Leila Dachraoui – Avocate, résidant entre la Suède et les Emirats arabes unis Dr Wissam Al-Dhahabi – Expert en kinésiologie et nutrition, résidant entre la Tunisie et le Qatar Wassim Jaber – Entraîneur de natation, résidant au Qatar Physiothérapeute Ahmed Ben Dou Son entraîneur Philippe Lucas, a certainement joué un rôle exceptionnel en l'assistant dans la mesure de ses possibilités pour... survivre. Il a tout de suite compris que l'intervention de ce groupe était positive. Jaouadi n'était plus abattu par sa situation, mais le moral grimpa au zénith. Le groupe volontaire ci-dessus cité, prit les choses en main… Il a soutenu le champion moralement, financièrement, médicalement et juridiquement, et est même intervenu techniquement. C'est à l'instigation du professeur Chammari, d'ailleurs, que Jaouadi a été retiré du 400 mètres. Enquêter et aller au fond des choses Nous espérons qu'il y aura une enquête pour sauver ce qui reste. Il mérite qu'on lui rende pleinement ses droits. Le groupe qui est allé à Singapour est appelé à continuer sa préparation pour Los Angeles. Il sera rejoint en temps utile par Ayoub Hafnaoui qui a été lui-même victime de ce laisser laisser avec ce que cela lui a coûté comme ennuis de santé. Ce t t e a b s e n ce d e conscience professionnelle va d'ailleurs nous coûter un départ sous d'autres cieux d'un de nos meilleurs éléments. Jaouadi a eu le grand mérite de faire table rase de tous ces événements et a nagé comme sait le faire un champion aux qualités exceptionnelles. Il a laissé parler son immense talent, sa foi et son amour pour sa patrie. Ceux qui lui ont causé autant de soucis aurontils l'audace de venir l'accueillir à l'aéroport pour la photo souvenir?