Est-il un gestionnaire de l'existant chargé de la satisfaction de certains besoins collectifs ? Comment doit-il gérer les multiples tâches ? Quels sont ses ordres de priorité ? Comment filtrer les requêtes des administrés ? Le débat autour de la nomination de nouveaux délégués continue de s'imposer par les nombreuses questions qu'il suscite. Les accusations orchestrées par l'opposition ont trouvé écho dans l'opinion publique. Celles-ci ont porté sur l'affiliation partisane des nouveaux investis ; leur manque de qualifications réel ou supposé a été mis en avant. Le niveau d'instruction de la plupart étant en deçà du minimum requis. Les choses sont ce qu'elles sont et c'est le cas dans les plus grandes démocraties. L'arrivée d'un parti au pouvoir se traduit toujours par une vague de nominations, dont une partie a pour objectif de mettre en œuvre une politique et l'autre entretient l'ultime finalité de récompenser sa clientèle. La distribution des postes est une pratique courante dans les démocraties bien installées. Comme il est d'usage que pour contenter une personne influente, pour réduire sa capacité de nuisance ou dans la recherche d'un modus vivendi, des postes de pouvoir, de prestige et bien rémunérés sont cédés. C'est de bonne guerre. Autre question de bon sens, si au terme de son mandat, une majorité est électoralement jugée, donc réinvestie ou éliminée, elle le sera pour la politique menée, le rendement de son personnel, les objectifs et autres promesses électorales honorés ou non. Il y va de l'exercice du pouvoir. Conscience collective en métamorphose Deuxième point, chaque poste requiert des capacités, et certaines capacités sont plus faciles à obtenir à travers les diplômes. A fortiori si l'on se situait dans les hautes strates du pouvoir avec les métiers hautement qualifiés, exercés, par exemple, dans les ministères, et non les seuls, de l'Economie et des Finances. A ce niveau, oui, la question des diplômes se pose avec acuité. Et l'absence de diplômes est rédhibitoire. Comme il est vrai que les acquis de l'expérience sont de plus en plus reconnus. Au terme d'un certain nombre d'années de pratique, et même sans diplômes universitaires, un postulant peut soutenir dans des universités des Etats-Unis ou du Canada une thèse de doctorat. L'expérience recèle en soi une valeur ajoutée estimable. Ceci pourrait se confirmer également à travers l'évaluation objective d'un candidat à un poste qui ne requiert pas des connaissances pointues. Le métier de délégué en fait partie. Mais, limiter le débat à ces seuls aspects, ce serait en quelque sorte mal le poser. Parmi les mutations profondes que la révolution a opérées, et avec le changement de l'environnement politique, la conscience collective est en train de se métamorphoser elle aussi. Nouvelle culture politique et sociale Un consensus social avant d'être politique est en train de se cristalliser, selon lequel les Tunisiens n'acceptent plus la domination des gouvernants, du haut de la hiérarchie vers le bas. Le sentiment d'injustice est de plus en plus mal vécu ; le népotisme, la moindre marque de favoritisme, le manque d'intégrité des décideurs sont activement rejetés. Et si dans certaines localités rurales, cette prise de conscience n'a pas encore pris forme, ce n'est qu'une question de temps. Les jeunes générations sont sur le pied de guerre. Le délégué dans ses terres, qui était par le passé l'œil et le marteau du pouvoir, doit prendre conscience que les temps ont changé. La perception à l'égard de l'ordre politique est en train d'évoluer vers une prise de conscience citoyenne. Le rôle du délégué tout comme sa posture doivent se transformer fondamentalement eux aussi. Deuxième préoccupation, a-t-on présenté au nouveau délégué en quoi consiste son travail ? Est-il un gestionnaire de l'existant chargé de la satisfaction de certains besoins collectifs ? Comment doit-il gérer les multiples tâches ? Quels sont ses ordres de priorité ? Comment filtrer les requêtes des administrés ? La marge d'appréciation, autrement dit le pouvoir discrétionnaire de ce chef local, est-il très étendu ? A qui doit-il rendre des comptes ? Certainement pas à l'appareil de son parti qui aurait contribué à sa nomination, mais à ses supérieurs hiérarchiques. Si une adhésion consciente et réfléchie des citoyens était vivement convoitée par les autorités, il serait hautement souhaitable que l'Etat publie une sorte de «job description» de la fonction de délégué, pour que celui-ci travaille en meilleure connaissance, et rende des comptes selon des critères objectifs, et pour que l'opinion puisse enfin juger en connaissance de cause. Le débat, lui, gagnerait à être plus précis.