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La réforme de la police : de la parole aux actes (II)
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 19 - 03 - 2012


Par Jamil SAYAH*
Rien à faire, on ne gère pas la police comme on gère un service quelconque. L'institution policière, eu égard aux traits liés à sa fonction, exige de la part de sa hiérarchie politique plus de précaution et plus d'éthique. Diriger la police aujourd'hui en Tunisie conduit automatiquement à prendre en compte le poids de l'histoire, le poids de la profession et identifier les intérêts collectifs qu'elle soutient. Tout traitement idéologique de ce secteur est voué à l'échec. Quand on est ministre de l'Intérieur, on ne doit point confondre l'exécution des ordres et le respect de la hiérarchie par l'appareil (cela relève de la culture policière) et sa soumission politique. La police est au service de l'Etat et non de la majorité politique qui le gère. Aussi, en la matière, il faut se draper de beaucoup de modestie. On ne peut s'approprier politiquement un tel service. Et tous ceux qui ont cherché à le faire, ils l'ont toujours payé très cher.
C'est pourquoi, dans les démocraties avancées on a toujours laissé la police en dehors des enjeux politiques. Qu'un gouvernement en exercice ait sa propre politique de sécurité cela relève des choses ordinaires. Un gouvernement de gauche est normalement tenté de mettre en place une politique de sécurité de gauche. Pareil pour un gouvernement de droite. La sécurité est une politique publique (presque comme les autres). Cependant, pour que ces options idéologiques soient légitimes, elles doivent être obligatoirement au service de l'intérêt général. Cela doit obligatoirement être son ADN. Aussi, toute volonté de faire passer un quelconque autre intérêt à la place de celui des citoyens constitue une faute politique condamnable. Malheureusement, le gouvernement actuel ne semble pas avoir pris la mesure de cette attente citoyenne. Il agit comme s'il n'y a pas eu de Révolution dans ce pays. Outre les nominations au sein de l'appareil sur lesquelles beaucoup de critiques ont été formulées, c'est plutôt sa gestion fonctionnelle du secteur qui nous semble plus inquiétante. En la matière, rien n'est rassurant.
Toutes les polices du monde ont besoin, pour agir efficacement, d'une ligne d'action claire et des décisions compréhensibles. Point d'ambiguïté, ni déclarations à l'emporte-pièce. Un ministre de l'Intérieur doit être le phare dont la lumière doit empêcher que le navire soit ivre. Or lorsque la lumière est tamisée et les ordres sont contradictoires, la police perd la raison. Elle se met en pilote automatique et fera ce qu'elle a toujours fait dans ce pays : « n'importe quoi ». La faute est ici politique. Aussi bien la gestion policière de la violence salafiste (agression, profanation du drapeau national, voie de fait...) que le traitement différentiel de l'occupation contestataire de l'espace public (la distinction entre des sit-in amis et les autres), ne sont malheureusement pas de nature à rassurer les citoyens sur la crédibilité de ce modèle d'action. Il faut se ressaisir. Que faire ?
Il faut introduire une gestion éthique de l'action de police. Il ne s'agit pas d'ôter au ministre ses prérogatives ni au gouvernement ses compétences en la matière. Il s'agit tout simplement de faire prendre conscience que par le prisme d'une démarche éthique, on réaffirme trois principes fondamentaux d'une politique de sécurité saine : le souci de garantir les droits et les libertés des citoyens, l'efficacité de l'action de police et les droits des policiers. Mais c'est surtout l'approche pragmatique de cette mission et des réflexions qui en découlent qui lui donne sa valeur. De ce point de vue, il est évident que l'éthique ne vaut qu'à condition elle soit partagée, et donc connue, par les intervenants sur le terrain et par leur hiérarchie (politique et administrative). D'où l'importance de la formation.
Vient après la nécessité du contrôle. Tout pouvoir exige un contre-pouvoir. A défaut, c'est l'abus de pouvoir. Cette équation est d'autant plus importante dans le cadre de l'activité de police qu'il y a un malaise policier. Le conflit opposant les agents de police et leur hiérarchie politique n'a point été résolu. Le retour dans les casernes n'est que façade. Le feu couve. D'où le sentiment des fonctionnaires de police d'être rejetés, incompris et harcelés. Cette souffrance est réelle et ce face à face (entre agents de police et leurs responsables) est vicieux pour la démocratie. Ainsi, il faut, d'abord, que cette souffrance soit entendue à la lettre dans sa revendication. Il faut, ensuite, faciliter et accompagner le syndicalisme policier pour qu'il devienne une force sérieuse de proposition et de médiation.
Enfin, il faut créer une commission nationale de contrôle des activités de sécurité. Cette commission serait composée de parlementaires dans le respect du pluralisme politique (hors ventilation électorale), par des représentants de la société civile et des personnalités indépendantes (choisis pour leur expertise). Le président de cette commission peut être nommé par le Premier ministre après consultation du ministre de l'Intérieur, le ministre de la Défense et les représentants des différents groupes parlementaires. Son rôle est de contrôler l'usage que fait l'exécutif des forces de sécurité. Elle donne un avis public sur les nominations dans les postes clés au sein de l'appareil. Elle doit rendre public un rapport qu'elle doit réaliser chaque année. Et pour que sa légitimité ne soit point contestée, il faut aller plus loin et l'inscrire dans la Constitution. On le voit donc, la création d'un tel organisme lavera, et définitivement, l'institution policière de tout soupçon partisan.
La priorité opérationnelle : la création de zones de sécurité prioritaires (ZSP)
La sécurité est un droit fondamental et l'insécurité est un sentiment. Comment faire alors pour les articuler ? Par la mise en place d'une politique publique de lutte contre l'insécurité qui doit se structurer autour de l'adéquation entre le besoin citoyen de sécurité et l'offre publique de lutte contre l'insécurité. Ainsi, l'efficacité d'une telle politique se mesurera par rapport à la capacité de l'offre à donner satisfaction à la demande. Or depuis la Révolution, nous nous sommes trouvés dans une situation paradoxale : l'insécurité est supposée être notre préoccupation principale et pourtant, rien n'a durablement été fait pour y mettre un terme. Sa hausse peut signifier une croissance de la propension des victimes à la plainte ou bien un plus grand zèle des journalistes pour les faits divers ou enfin une plus forte délinquance.
A cet égard, est dénoncé, à mots plus ou moins couverts, la défaillance des forces de sécurité. «La police ne fait plus son travail» dit-on. La réponse des intéressés à cette accusation : pour pouvoir garantir la sécurité, il faut se sentir soi-même en sécurité. Or la police dans ce pays n'est plus respectée, ni même considérée. Point d'autorité.
Toutefois, au-delà de cette polémique dans laquelle on a laissé s'enfermer le débat sur la sécurité, le vrai problème est qu'on ne dispose pas actuellement de source d'information fiable. Et on a même fait exactement l'inverse en décourageant les enquêtes qui auraient pu apporter des données à comparer aux comptages administratifs. Mais malgré l'absence de données chiffrées, on observe par médias interposés que la délinquance ne cesse d'augmenter (voir Journal La Presse du 15/03) et que l'insécurité gagne du terrain. Pis encore, il s'est même constitué, dans notre pays, des conclaves salafistes (autonomes) dans lesquels ces derniers font leur propre police et leurs propres lois.
Pouvons-nous continuer à passer sous silence un tel dysfonctionnement politico-social ? La réponse ne peut être que négative. La lutte contre l'insécurité relève du pacte social. Aucune société ne pourrait vivre pleinement sa liberté si sa sécurité n'était ni garantie, ni assurée. Il appartient alors aux pouvoirs publics d'y apporter les réponses adéquates. La politique actuelle nous aidera-t-elle à sortir de cette crise ? C'est loin d'être certain. Elle ne donne aucune raison sérieuse de penser que les ressorts qui poussent à basculer dans la délinquance seront demain moins puissants pour leurs auteurs. En réalité, les faiblesses de la politique de sécurité sont, ailleurs, dans une certaine confusion entre ordre et sécurité. La lutte contre la délinquance suppose plus que la restauration de l'autorité et la défense de l'ordre public qui en sont des ingrédients indispensables, mais insuffisants. Toutefois, avant de chercher à mesurer l'impact des politiques de sécurité sur le public ou sur la délinquance, il convient également de comprendre comment celles-ci se traduisent sur le terrain.
A ce titre, deux solutions peuvent être envisagées. Deux conceptions que l'on peut juger complémentaires, mais qui n'obéissent pas à une même temporalité : la première correspond à un changement qualitatif de l'organisation et de l'action des forces de sécurité : la police de proximité. Un modèle qui a fait ses preuves d'efficacité dans plusieurs pays du monde (voir nos analyses sur cette question). La seconde solution s'inscrit plutôt dans l'immédiateté. Elle consiste à créer des zones de sécurité prioritaires. Cette solution cherche à apporter une réponse rapide aux besoins imminents de sécurité.
En effet, la mise en place d'une telle option nécessite obligatoirement une réorganisation territoriale de l‘intervention des forces de sécurité. Le découpage doit se faire sur un mode opérationnel en conformité avec une lecture différentielle du territoire. Concrètement, un terme doit être mis au principe de l'uniformité actionnelle (l'îlotage) au profit d'une équité territoriale. Davantage de moyens et d'hommes doivent en effet être concentrés dans des zones reconnues éligibles pour être prioritaires en réponse à l'insécurité, là où, par exemple, les salafistes agissent en toute impunité.
Cela se traduit aussi par la mise en place d'une autre manière d'agir. Le recentrage jusque-là de l'activité du policier sur la plainte et sur un rôle plus strictement répressif l'éloigne, dans une période d'incertitude, de la population qu'il est censé protéger. Celle-ci devient une contrainte qu'il faut éviter. Quant aux victimes, leurs problèmes paraissent rarement de nature à mobiliser les énergies des enquêteurs, lesquels disent manquer de temps en raison de la demande de plus en plus importante et de plus en plus lourde. Résultat, police et population se trouvent dans une situation pour le moins difficile.
La question «à quoi sert la police ? » doit se poser autrement. En effet, par la création de zones de sécurité prioritaire, l'Etat s'engage à prendre au sérieux la double souffrance : celle des citoyens et celle des policiers. Pour ce faire, il doit relever le défi de l'efficacité. A ce titre, il pourrait être utile de favoriser le développement de ses structures non seulement par l'attribution de dotations budgétaires spécifiques, mais surtout par une réelle prise en compte dans l'affectation des effectifs de la spécificité de la zone concernée. Accroître ainsi la densité de la présence des forces de sécurité dans les localités où leur absence est gravement ressentie. Toute infraction, toute incivilité doit recevoir une réponse rapide. Dès lors, le sentiment d'insécurité va reculer aussi bien par la présence physique du policier sur le terrain que par l'efficacité d'une action menée par des agents expérimentés et en contact direct avec le fait délinquant.
A chaque zone correspond alors un responsable bien identifié, chef d'une équipe ayant des objectifs clairement établis. Cela se traduit par plus d'autonomie et plus de capacité d'initiative pour chaque policier. En contrepartie, son action ainsi que celle de son équipe est régulièrement suivie et évaluée. Dans cette perspective, cela devrait conduire à accentuer l'effort de dotation des différents corps engagés sur le terrain en matériels mieux adaptés à leurs missions spécifiques.
Cependant, il ne faut pas se faire d'illusion. L'efficacité de cette méthode d'action n'est plausible que lorsqu'elle fait partie d'un ensemble de politiques publiques volontaristes. Le problème est qu'une politique de sécurité efficace appelle plus qu'un redéploiement territorial des forces de l'ordre. Elle doit être insérée dans un cadre plus vaste d'un compromis social. On ne peut exiger une élévation du niveau de responsabilité individuelle face à la délinquance qu'à condition de développer en même temps une compréhension plus large et une action collective tendue vers la justice sociale. La lutte contre l'insécurité n'a de sens que lorsqu'elle est accompagnée par d'autres politiques publiques dont la finalité est de lutter contre le chômage et contre la pauvreté. Bref, contre la précarité. Or, pour le moment, il ne semble pas que le volet social de l'action gouvernementale soit à la hauteur des ambitions. Incertitude.
*(Professeur de droit public)


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