Le gouvernement décide de s'attaquer de front à l'augmentation effarante des prix de certains produits agricoles. Hier, on a discuté des mesures à prendre. Leur annonce est imminente Tout le monde parle ces dernières semaines de la hausse vertigineuse des prix des produits alimentaires, de la détérioration continue du pouvoir d'achat du citoyen qui enregistre, selon certains experts, un recul de l'ordre de 40% par rapport à 2010, et du panier de la ménagère qui se vide de jour en jour au point que trente dinars ne suffisent plus désormais pour la préparation d'un mets à base de légumes de saison. L'Organisation de défense du consommateur (ODC) se contente, comme au bon vieux temps, de conseiller aux Tunisiens de boycotter les produits dont les prix ont atteint des pics inhabituels (les tomates et les poivrons en particulier), alors que certains partis politiques de la coalition au pouvoir dont Ennahdha, la deuxième principale composante du gouvernement d'union nationale, s'adresse aux consommateurs par le biais de son secrétaire général, Zied Laâdhari, qui occupe également le poste de ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, pour leur dire que «les prix actuels des tomates et du poivron ne sont pas la fin du monde et puis depuis quand les Tunisiens consomment-ils ce type de produits en pleine saison hivernale ?». Un discours qui en dit long sur le peu d'égard qu'un parti politique considéré comme le plus fort et le plus structuré dans le pays accorde aux préoccupations quotidiennes du citoyen. Hier, Youssef Chahed a, enfin, pris son courage à deux mains et a tenu une séance de travail ministérielle. A l'ordre du jour : la préservation du pouvoir d'achat du citoyen. Les moyens qui seront utilisés pour juguler les prix exorbitants se révèlent comme suit selon le communiqué publié par le département communication de la présidence du gouvernement : «La coordination entre les ministères de l'Industrie et du Commerce et celui de l'Agriculture, l'étude des facteurs structurels et conjoncturels de la hausse des prix et la maîtrise des circuits de distribution». Et le communiqué de nous informer en conclusion que «les principales mesures engagées par le gouvernement pour résoudre cette crise conjoncturelle ont été exposées à cette occasion». Seulement, le communiqué ne nous éclaire pas sur la nature de ces mesures ni à quelle date elles vont être mises à exécution. Donc pour le moment, on sait au moins une chose : le gouvernement est conscient de la situation et il va réagir. Les intermédiaires illégaux font ce qu'ils veulent «Il ne s'agit pas d'un problème de production et la solution ne réside pas en l'importation des produits ayant connu une hausse jamais vécue auparavant dans le but de réguler les prix dans le marché. Il s'agit en réalité d'un dysfonctionnement grave au niveau des circuits de distribution. Aujourd'hui, l'agriculteur qui est le producteur de ces produits est sous l'emprise totale des intermédiaires illégaux qui imposent leurs prix. Un chiffre effarant résume la situation actuelle : seul 30% de la production agricole transite par le marché de gros à Bir El Kassaâ. C'est un dérèglement profond et il ne date pas du gouvernement Youssef Chahed. Il est plus ancien et il remonte même à l'époque du gouvernement Bourguiba où les concessionnaires de carrés au marché de gros (habbatas) «faisaient la loi et continuent à le faire jusqu'à aujourd'hui», confie à La Presse Moëz Joudi, expert économique et président de l'Association tunisienne de gouvernance (ATG). Faut-il désespérer de voir les consommateurs ordinaires accéder aux produits agricoles à des prix abordables ? «Non, le gouvernement a les moyens de maîtriser les prix, souligne l'expert. Il faut renforcer le contrôle en augmentant le nombre des contrôleurs et en durcissant les sanctions infligées aux contrevenants. Il faut que la production agricole revienne au marché de Bir El Kassaâ. La Sotumag (la Société tunisienne des marchés de gros) doit être réhabilitée pour qu'elle puisse intervenir sur tous les marchés de gros à travers l'ensemble du pays. Les intermédiaires illégaux sont présents partout». Il conclut : «Nous avons rencontré, il y a deux mois, le chef du gouvernement au nom de l'Association tunisienne de gouvernance et nous lui avons soumis nos propositions. Il a promis d'en tenir compte».