« Le fait de déposer une demande d'arbitrage et de conciliation permet la suspension des procédures judiciaires, c'est une opportunité à saisir. Dans un an et demi, ce ne sera plus possible », déclare la présidente de l'IVD L'Instance vérité et dignité (IVD) est parvenue avec les parties prenantes à rendre exécutoires trois conventions d'arbitrage et de conciliation. S'exprimant au cours d'un point de presse hier au siège de l'IVD, Sihem Ben Sedrine a déclaré que ces conventions concernent entre autres un titre foncier détourné par des proches du président déchu. A l'issu de cet arbitrage, la victime a pu récupérer sa propriété. Le deuxième dossier est celui d'un grand cadre d'une entreprise publique qui avait été licencié en raison de ses activités politiques. Grâce à la convention signée avec l'entreprise, il a été réintégré dans son travail et a pu disposer de l'ensemble de ses droits. Enfin, le troisième dossier est celui d'un homme d'affaires qui a reconnu être coupable d'une évasion fiscale et a remboursé, en vertu d'une convention, ce qu'il doit à l'Etat tunisien. « Ces conventions, une fois signées, prennent la forme d'une décision de justice », a tenu à préciser la présidente de l'IVD. Premier signataire d'un accord de principe, l'homme d'affaires et gendre de l'ex-président de la République Slim Chiboub, qui ne figure cependant pas parmi ces dossiers définitivement résolus. Sur les 2.164 dossiers traités par la commission d'arbitrage et de conciliation présidée par Khaled Krichi, l'Etat a décliné l'arbitrage dans 568 dossiers. « En fait, lorsque nous recevons des demandes d'arbitrage dans des affaires où l'Etat est partie, nous proposons l'arbitrage au département concerné et ce dernier peut accepter ou refuser l'offre », explique Khaled Krichi. Mais même lorsque l'Etat refuse l'arbitrage, la commission poursuit son travail d'investigation pour déterminer les responsabilités de chacun. Khaled Krichi est revenu sur les dernières condamnations dans l'affaire dite « Mariah Carey » et a exprimé son regret que les concernés n'aient pas déposé de demande d'arbitrage. « Dans cette affaire, nous n'avons eu qu'une seule et unique demande ». Il a notamment appelé les politiques à convaincre les récalcitrants à déposer des demandes d'arbitrage au lieu « de passer leur temps à imaginer d'autres alternatives à la justice transitionnelle ». De son côté, Sihem Ben Sedrine a rappelé que les demandes d'arbitrage peuvent à la fois être déposées par les hommes d'affaires et par les cadres administratifs qui n'ont fait qu'apposer des signatures sur des dossiers douteux. « Le fait de déposer cette demande permet la suspension des procédures judiciaires, c'est une opportunité à saisir. Dans un an et demi, ce ne sera plus possible », dit-elle. Sur les 2.700 dossiers (sur un total de 5.616) de corruption financière, administrative et détournement de deniers publics, seuls 870 ont été jusqu'à présent traités. L'Instance vérité et dignité compte accélérer la cadence et pour y arriver, elle travaille conjointement avec l'Inlucc, les services du contentieux de l'Etat et trois experts internationaux. Il s'agit de Carlos Castresana Fernández, procureur à la Cour suprême en Espagne, Angela Barkhouse, spécialiste britannique dans les enquêtes financières, et Stuart Gilman, ancien diplomate onusien et expert dans le domaine de la lutte contre la corruption. Durant 3 jours, les 6, 7 et 8 mars, ces experts ont participé à un atelier. « C'était une sorte de prise de connaissance de notre problématique, notre méthodologie et nos besoins. Suite à cela, ils pourront nous accompagner de manière plus ciblée sur des créneaux spécifiques : investigation des dossiers de corruption, analyse des dossiers dans le cadre de l'arbitrage et de la conciliation, investigation à dimension multinationale, etc. Cela devrait s'étaler jusqu'à la fin de l'année », nous dit une source digne de l'IVD. Toutefois, rien n'a été décidé et les futures missions de ces experts n'ont pas encore été précisées. Selon Oula Ben Njema, membre de l'Instance, l'IVD compte renforcer ses équipes pour venir à bout des dossiers. Entretemps, les auditons publique vont se poursuivre à partir du 10 mars, une séance qui sera consacrée à la répression des femmes. Le 11 mars, c'est la surveillance d'internet qui fera l'objet d'une audition publique des victimes. A l'occasion de la fête de l'indépendance, une séance d'audition sera consacrée, le 24 mars, à la répression des résistants, tantôt par l'occupant français, tantôt par le nouveau régime qui commençait à s'installer dès 1955. « Nous avons envoyé une délégation de la commission de mémoire en France pour fouiller dans les archives de cette époque et nous avons trouvé des documents inédits qui permettront de jeter la lumière sur les circonstances de l'indépendance », a annoncé la présidente de l'IVD.