La conférence de presse organisée par l'Instance Vérité et Dignité (IVD) s'est déroulée dans une ambiance électrique qui atteint le summum avec des prises de bec et des accusations mutuelles, surtout avec la présence des bénéficiaires de l'amnistie générale législative, en sit-in depuis quatre mois à la Kasbah et qui ont accusé l'IVD d'ignorer leur dossier. Le nombre des dossiers de réhabilitation est, vraiment, ahurissant et l'IVD aura du pain sur la planche pour dissocier entre le bon grain de l'ivraie (ce qui permettrait à Ben Sedrine de rester en place le plus longtemps possible et profiter de la manne de l'Etat. Un plaisantin a tenté de faire un calcul en estimant que si l'Instance travaille tous les jours de l'année et traite un dossier par jour, il lui faudrait 158 ans pour dégager les 58000 dossiers introduits dans la base de données et régler tous les litiges... et cela représente un record qui peut être répertorié dans le Guiness Book. Il faut dire, aussi que, comme dans l'affaire des martyrs et des blessés de la révolution, il y a un grand nombre de personne qui se disent réprimées, sous Ben Ali et, même, sous le régime du leader Habib Bourguiba, et l'Etat sera obligé de casquer encore pour les satisfaire. Ainsi donc, l'IVD, amputée de ses membres qui avaient préféré quitter le navire, a décidé de donner un aperçu sur le travail qu'elle a effectué, jusqu'à l'expiration des délais de remise des dossiers de plaintes. Selon les statistiques fournies, 61% des cas de violation recensés dans les dossiers portent essentiellement sur la détention abusive, 59% sur l'atteinte à la liberté d'expression, d'information et d'édition et 56% impliquent la violation du droit au travail et à l'enrichissement. Au total, 65 mille dossiers ont été déposés à l'Instance Vérité et Dignité (IVD), dont 58 mille ont déjà été introduits dans la base de données, selon la présidente de l'Instance Sihem Ben Sedrine. 73% des requérants sont des hommes, 23% des femmes et 4% des personnes morales, a-t-elle détaillé lors d'une conférence de presse donnée vendredi au siège de l'Instance. Quelque 1515 dossiers ont été transmis par des Tunisiens à l'étranger par voie électronique, a-t-elle fait remarquer. Des youssefistes, des nationalistes, des gauchistes, des islamistes, des syndicalistes, des défenseurs des droits de l'Homme et des minorités ont saisi l'IVD pour dénoncer les actes d'oppression qu'ils avaient subis entre juillet 1955 et décembre 2013 et réclamer dommages et intérêts, a-t-elle ajouté. Plusieurs familles des martyrs et blessés de la révolution ont aussi eu recours à l'IVD, y compris les familles des martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, a-t-elle poursuivi. D'après les chiffres de l'IVD, 50% des cas de violation concernent la torture et l'atteinte à l'intégrité physique lors des protestations et manifestations. Par ailleurs, le président de la commission de réconciliation de l'IVD, Khaled Krichi a annoncé que la commission de réconciliation va continuer à accepter les dossiers relatifs à la corruption financière, précisant toutefois qu'elle ne va pas révéler les noms des auteurs de violations avant de conclure avec eux un accord de conciliation, conformément à la loi de protection des données personnelles. Il reste à savoir si Mme Ben Sedrine va tenter de profiter de la situation pour demander une prolongation de la mission de l'IVD, afin de pouvoir bénéficier des largesses de son poste de responsabilité, surtout après avoir écarté ceux qui la gênaient.