Par Pr Maher BEN GHACHEM * Je m'adresse à tous ceux qui appellent au changement du gouvernement. Ce qui est frappant, c'est que ces appels ne font aucune proposition concrète de rechange pour sortir le pays de la crise. En fait, la plupart sont manipulés et derrière eux il y a des lobbys et ils sont bien identifiés. Sans les citer, je me contenterai de dire qu'ils ne défendent pas les intérêts du pays, mais ne font que creuser et approfondir le régionalisme. Bof, vous aurez compris qu'ils se divisent en : – Ceux qui rêvent d'accéder une fois au pouvoir politique après avoir constitué de tout temps le pouvoir économique. – Ceux qui veulent retrouver le pouvoir qu'ils ont de tous temps exercé. – Enfin ceux qui paniquent à l'idée de perdre le pouvoir récemment conquis par un vote par défaut. Le plus grand reproche qu'on puisse faire au gouvernement Youssef Chahed c'est la faiblesse de certains ministres ( et le jeu individuel de certains qui leur a valu leur poste). Le choix partisan imposé par les coalitions politiques en sont à l'origine. Faut-il encore souligner le grand travail fait par le chef du gouvernement et quelques-uns de son équipe? Malheureusement, ce travail n'est pas assez mis en évidence par l'équipe de communication en charge. La question qui revient souvent: comment Youssef Chahed peut-il continuer à accepter de mauvais éléments alors que lui-même en est conscient. Il est inutile de citer les noms des ministres défaillants, c'est un secret de Polichinelle. Ce chef de gouvernement a eu le mérite au moins d'assurer une certaine continuité avec celui de Habib Essid, en y apportant plus d'enthousiasme avec des choix plus judicieux. Malheureusement, le parlement tarde dans la promulgation des lois proposées donnant ainsi au peuple l'impression que rien n'a été fait. Une campagne bien menée par les adversaires de la Tunisie parle d'échec. Je pense que c'est échec apparent masquant des succès patents tels que l'accord avec le FMI qui a permis le paiement des fonctionnaires pour encore quelques mois. Ceci nous a sauvés d'une guerre civile. (Imaginez un peu le non-paiement des militaires et des policiers, rien que ça...). Mais alors pourquoi ce chef de gouvernement continue-t-il à être la cible de toutes les attaques ? 1/ Il est attaqué par les éternels contestataires, incapables un jour de gouverner... Il s'agit des extrêmes politiques de la droite à la gauche. 2/Il est attaqué par les adversaires irréductibles de BCE et ceux qui lui reprochent d'avoir laissé Nida Tounès sans direction valable. 3/ Il est attaqué, ou n'est pas défendu par ceux qui sont de son bord et qui souhaiteraient juste être à sa place... pour faire la même politique... Ceux-là sont pour moi les plus malhonnêtes car ils ne pensent qu'à leur propre personne. 4/ Enfin, il est attaqué et surtout par tous les corrompus et les contrebandiers qui connaissent sa volonté de leur faire barrage. Il faut donc prendre des décisions consensuelles pour améliorer le rendement de ce gouvernement: 1/ Garder Youssef Chahed et lui demander de s'entourer de personnes compétentes indépendamment de leur idéologie, dans un gouvernement restreint d'une quinzaine de personnes maximum jusqu'aux prochaines élections législatives et présidentielles. Notez bien que je parle de personnes compétentes et non de technocrates. En effet, si on demande un gouvernement en dehors des partis, on va exiger le départ de Youssef Chahed, ce qui serait une perte de temps considérable avec un nouveau chef de gouvernement. 2/Exiger une paix sociale avec des accords tripartites : gouvernement-Utica-Ugtt 3/Faire un programme d'actions signé par une coalition parlementaire avec un "Fast Track Project"pour accélérer la mise en place et l'application des réformes nécessaires au pays. Ainsi, ce gouvernement doit continuer son travail, pendant que les tractations doivent s'engager entre le président de la République, le chef du gouvernement, une coalition parlementaire majoritaire, le secrétaire général de l'Ugtt et la présidente de l'Utica, pour la constitution d'une équipe restreinte de compétences. Une fois les décisions prises dans la plus grande confidentialité tout le monde suivra sans problème... Ne connaissant pas le contenu du prochain discours du président de la République, ce serait bien s'il pouvait s'inspirer de ces réflexions et se rappeler la confiance inspirée par Youssef Chahed auprès des instances internationales qui verraient d'un mauvais œil un changement perpétuel d'interlocuteurs. Les investisseurs ont besoin de stabilité politique. Je n'ose pas imaginer les conséquences d'une attitude égoïste ne tenant pas compte de l'intérêt du pays et qui nous conduirait à une fin aussi tragique que celle de Néron ... * (Ancien interne des hôpitaux de Paris)