Durant la période de transition 2011-2015, les déficits d'inclusivité se sont renforcés, reflétés par un essoufflement de la croissance La croissance inclusive constitue l'un des plus importants défis auxquels fait face le gouvernement actuel. Les régions intérieures, qui ont longtemps souffert de la marginalisation économique et sociale, sont les premières concernées par ce défi qui requiert des autorités publiques une révision du modèle de développement et des politiques économiques publiques en vigueur. Ce modèle de développement a échoué à créer davantage d'emplois pour les jeunes et aussi à réduire les disparités régionales. Cette question a constitué l'objet d'une étude réalisée par le ministère du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale avec l'appui du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et de l'ambassade suisse en Tunisie. Elle a été présentée au cours d'un séminaire de réflexion organisé le 23 mai à Tunis. L'objectif de cette étude est de mener des analyses fines sur les facteurs structurels, les causes conjoncturelles et les limites des politiques publiques et aussi de proposer des leviers d'action et des outils de ciblage des nouvelles politiques sectorielles dans le cadre de la mise œuvre du nouveau Plan quinquennal de développement. Réduction des disparités Selon Fadhel Abdelkefi, ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, cette étude permettra d'avoir une vision prospective sur les cinq prochaines années en ce qui concerne la croissance inclusive. Il a affirmé que l'investissement reste la priorité de l'Etat tunisien, indiquant que 70% du budget d'investissement dans le Plan quinquennal de développement 2016-2020 sont consacrés aux régions intérieures. Il souligne que, depuis 2011, l'investissement a augmenté mais il reste insuffisant. Selon lui, l'étude présentée servira à donner des pistes d'amélioration du Plan quinquennal et de rendre efficace son intervention. De son côté, Diego Zorrila, coordinateur résident du système des Nations unies et représentant résident du Pnud en Tunisie, a affirmé que la croissance inclusive est un axe fondamental pour la réduction des inégalités sociales et des disparités régionales. Il ajoute que l'étude donne une rétrospective des choix économiques faits en Tunisie et propose des pistes pour la priorisation des politiques sectorielles pour les décideurs, à travers la formulation d'un nouvel indice qui est l'indice de croissance inclusive. Essoufflement En fait, l'étude a montré que les déficits d'exclusivité en Tunisie se sont aggravés depuis 2011. Dans les années 1990-2010, la Tunisie a réalisé un taux de croissance annuel moyen du PIB réel de 4,8% avec une volatilité assez faible de 1,7%. Mais malgré une certaine rapidité au niveau de la croissance économique, l'étude indique qu'elle est restée modérée sur la création d'emplois, avec un taux de chômage de 14,8% en 2010. Durant la période de transition 2011-2015, les déficits d'inclusivité se sont renforcés, reflétés par une essoufflement de la croissance. Par rapport à des comparateurs émergents, tels que la Malaisie, l'Indonésie, la Corée du Nord et la Thaïlande, l'étude a montré que notre pays n'a pas pu effectuer le rattrapage du PIB par tête d'habitant. Selon Sami Moulay, un des experts chargés de l'étude, la qualité de la croissance est également un indicateur de cet essoufflement. « Ce que nous remarquons est que les gains en productivité sont extrêmement faibles. Si la qualité ne s'améliore pas, ces gains seront inutiles. De même pour la qualité du facteur de travail, du facteur capital et innovation, qui se sont détériorés. L'étude a permis, ainsi, de dégager un indice composite de la croissance inclusive, servant comme outil d'orientation des politiques publiques, d'évaluation et de suivi des réformes. Il se base sur onze piliers, à savoir : les transformations structurelles, le climat des affaires, le profil institutionnel, la croissance et le développement durable, les disparités régionales, les politiques macroéconomiques, l'informalité, les inégalités humaines, les inégalités d'accès à l'emploi, les degrés de pauvreté et les inégalités de genre. L'étude montre que la Tunisie a accusé un recul de cet indice sur la période 2011-2015, soit 0,39 contre 0,43 en 2001-2010. Ces piliers ont été ainsi déclinés sur les axes de développement du Plan quinquennal, concernant les règles de bonne gouvernance et la lutte contre la corruption, la transition d'une économie à faible coût à un hub économique, le développement humain et l'inclusion sociale, la concrétisation des ambitions des régions et la consolidation de l'économie verte comme pilier du développement durable. Selon M. Moulay, le Plan quinquennal de développement n'est pas un exercice figé et sera réactualisé selon les besoins et l'évolution de la situation économique.