Afin de compenser la réduction de la marge bénéficiaire liée à la réduction des prix de certains produits de première nécessité, les centres commerciaux encouragent les clients, à travers l'affichage de promotions avantageuses, à acheter d'autres articles dont ils n'ont pas forcément besoin. A l'entrée d'une grande surface du Grand-Tunis trône un panneau sur lequel sont affichés les produits qui ont fait l'objet de remises. Vingt-six produits y figurent : œufs, yaourts nature et aromatisés, lait caillé (lben), fromages, eau de source, boissons gazeuses, chamia, thon entier, eau de javel, lessive, liquide vaisselle. Une visite aux différents rayons nous donne une idée des autres prix pratiqués : la viande désossée à dix-neuf dinars, le rumen steak et la noix à vingt-quatre dinars, le poulet d'une firme connue à cinq dinars neuf cent quatre-vingt-dix millimes, alors qu'il est en vente à quatre dinars huit cent millimes partout ailleurs. Les prix des légumes et des fromages à base de pâte fraîche ou à pâte cuite ne diffèrent en rien du reste. Les écarts sont énormes, surtout qu'à quelques pas seulement, on peut aisément s'approvisionner (à qualité égale), en réalisant de substantielles économies. Une visite dans d'autres magasins du genre a confirmé ces prix à la hausse qui sont en décalage complet avec les slogans que l'on affiche pour l'occasion. La question qui se pose est claire : Comment peut-on prétendre qu'à l'occasion du mois de Ramadan les grandes surfaces ont consenti des baisses qui, théoriquement, devraient permettre aux citoyens d'effectuer leurs achats en réalisant quelques économies alors que finalement ce n'est pas le cas? Nous n'avons enregistré aucune réaction de l'ODC, et nous nous demandons si cet organisme censé défendre les consommateurs, a été consulté lors de l'établissement de la liste. Ces grandes surfaces pensent-elles réellement qu'elles ont tendu la main aux citoyens et qu'elles œuvrent de concert avec les parties concernées pour alléger le fardeau de ceux qui en ont besoin ? Si l'on part du principe que ces grandes surfaces sont à même de pouvoir consentir des remises très importantes, on réalise de quelle manière on agit pour faire miroiter des produits d'appel et réaliser des bénéfices substantiels sur le reste des achats. En effet, lorsqu'on se rend dans une grande surface, il est rare de n'acheter qu'un seul produit. Et puis, pour le mois de ramadan, on se nourrit pas avec de la lessive, de l'eau de javel et des boissons gazeuses. Les produits de première nécessité auraient dû figurer dans cette liste, que l'on présente en toute innocence et qui ne peut que provoquer des sourires de dépit. Prétendre venir en aide et contribuer aux efforts que l'on demande à ces entreprises, occasionnellement, pour réduire les dépenses quotidiennes en ce mois saint, exigent un tout autre comportement. Il est d'ailleurs curieux que des produits provenant d'une même firme enregistrent soudainement des décalages de prix importants. Y a-t-il donc une différence de qualité ou le client est-il dans l'obligation de payer le prix du néon, des étalages en inox et autres commodités qui font grimper le prix de revient? Dans tous les cas, avec la lenteur des caissières, parfois le nombre limité des caisses ouvertes, le temps perdu avec les longues files d'attente et les inévitables contretemps, ces magasins où l'on se rend pour grouper ses achats ne sont plus en train de jouer leur rôle social. Alors que l'on relève qu'en France, par exemple, une véritable et authentique concurrence oppose les grandes surfaces au bénéfice de la clientèle, au point que l'on met à sa disposition des sites pour comparer les prix à l'instant «t» (cela devrait inspirer l'ODC), nous continuons à raisonner profits, en décalage de ce qui se pratique au sein de ces entreprises qui devraient jouer sur la quantité, la masse des clients brassée, et non pas sur cette absence de communication dont le consommateur est la première et principale victime.