L'affaire Chafik Jarraya et de sept autres caïds de la contrebande, qui a fait l'effet d'un séisme, continue d'alimenter, chaque jour un peu plus, l'actualité de ce début du mois saint de Ramadan. Dernier rebondissement, Jarraya aurait révélé, hier, au juge d'instruction militaire des noms de dirigeants et personnalités politiques parmi ses complices Après six jours de détention — les arrestations ayant été effectuées en vertu du décret 50-78 du 26 juin 1978 relatif à l'état d'urgence —, Chafik Jarraya a comparu, hier, devant le juge d'instruction militaire. Parmi les faits qui lui sont reprochés, Jarraya est accusé d'atteinte à la sûreté de l'Etat, trahison et intelligence avec une puissance étrangère. Le Parquet militaire de Tunis avait donc décidé, vendredi dernier, de diligenter une enquête contre Chafik Jarraya et contre toute personne dont le nom serait cité dans les interrogatoires. Un comité de défense formé de six avocats se charge de la défense de Jarraya qui aurait, selon la radio Mosaïque Fm citant une source proche, dévoilé, hier, au juge d'instruction militaire les noms de ses complices parmi lesquels des dirigeants et des personnalités politiques. Pour préparer leur stratégie de défense, les avocats de Jarraya ont demandé une copie du dossier de leur client, ce que le juge d'instruction a refusé rendant plus compliquée la tâche des avocats, dont Me Hazem Ksouri qui a affirmé que de lourdes accusations pèsent sur leur client. Des listes sur facebook Branle-bas jusque dans les hautes sphères de l'Etat et surtout sur les réseaux sociaux où l'on n'hésite pas à publier des listes entières de noms, notamment de députés de l'ARP, accusés d'être en relation avec Chafik Jarraya dans des affaires de corruption. Plusieurs pages Facebook ont, en effet, publié récemment des listes comportant des noms de députés de Nidaa Tounes et de journalistes tunisiens accusés d'avoir servi l'agenda de l'homme d'affaires Chafik Jarraya, soupçonné de corruption, contre des sommes d'argent et des privilèges en nature dont des appartements dans des quartiers huppés, des salaires fixes et des voitures. L'accusation est dans le cas d'espèce facile, car c'est Chafik Jarraya lui-même qui a déclaré à maintes reprises avoir acheté des élus, des journalistes et d'autres. Les personnes étaient donc toute désignées dans son entourage et en l'occurrence dans le parti Nida Tounès dont il est un des dirigeants. Les nidaïstes n'ont pas trop attendu pour contre-attaquer, puisque le bloc parlementaire de Nida a, dès hier, chargé un huissier notaire pour enquêter sur les personnes qui gèrent ces pages facebook et pour déposer des plaintes auprès de la justice. Par ailleurs, le président de la commission de confiscation, Mounir Ferchichi, a démenti dans une interview accordée, hier, à Express fm, les informations relayées par certains médias et les réseaux sociaux selon lesquelles la commission de confiscation aurait procédé à la saisie des biens mobiliers et immobiliers de l'homme d'affaires Chafik Jarraya. Il a ajouté que la commission de confiscation a été chargée, selon le décret loi 114 relatif à la loi de confiscation, de récupérer les biens d'une liste nominative de 124 personnes appartenant aux clans Ben Ali et Trabelsi. Cette liste a été fixée par le pouvoir législatif à la veille de la révolution. Confiscation : il faut des preuves Mounir Ferchichi a, également, précisé qu'une liste comportant les noms de personnes soupçonnés d'avoir tiré un profit commercial de l'ancien régime a été fixée depuis le mois de février. Il a indiqué que la commission ne peut procéder à la confiscation des biens de ces personnes qu'après avoir réuni toutes les preuves. Jusqu'à présent, huit personnes de cette liste ont été officiellement concernées par la confiscation. Rappelons que selon les premiers éléments d'information, les arrestations ont touché une dizaine d'individus, dont certains connus pour être des barons de la contrebande, de la corruption et impliqués dans de vastes réseaux de l'économie parallèle, tels que Yassine Chennoufi, Nejib Ben Ismail et Ridha Ayari. Des décisions d'assignation à résidence ont été prises à leur encontre sur la base «de preuves sur leur implication dans des affaires menaçant dangereusement la sécurité et l'ordre public», précisait le ministère de l'Intérieur, jeudi dernier. Deux jours plus tard, un mandat de dépôt est délivré par la justice militaire contre Chafik Jarraya. Aujourd'hui tous les regards sont dirigés vers l'Assemblée des représentants du peuple où un nombre de députés ont déclaré vouloir renoncer à leur immunité parlementaire afin de faciliter le travail des enquêteurs et en gage de leur intégrité morale. Que feront les autres ? La guerre contre la corruption est lancée et il faut s'attendre à une période de grandes perturbations.