Les cours ont plongé de 6 % en trois mois. Pétrole, métaux, produits agricoles, aucun secteur n'a échappé à la baisse. Alors que l'incertitude sur la croissance chinoise grandit, les spéculateurs s'activent. Sur les marchés des matières premières, les pessimistes ont repris la main. La hausse du début d'année, dans le prolongement de 2016, n'est plus qu'un vague souvenir. Les cours ont enregistré en mai leur troisième mois de baisse. L'indice S&P GSCI, qui regroupe plus d'une vingtaine de matières premières, a plongé de 7 % au cours de cette période : un enchaînement négatif inéprouvé depuis plus d'un an. Globalement, aucun segment n'a échappé à la baisse. Les cours du WTI et du brent ont chuté de plus de 10 % depuis fin février, en dépit des efforts réalisés par les producteurs d'or noir. D'une part, parce que les investisseurs doutent de l'efficacité de l'accord passé entre les membres et certains non-membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), destiné à rééquilibrer le marché. D'autre part, parce que les Etats-Unis continuent à produire du schiste à tour de bras. Les produits agricoles ont, eux aussi, enregistré des décrochages vertigineux. En tête, le sucre, le caoutchouc ou le jus d'orange ont perdu une vingtaine de pour-cent, le café et le soja plus de 10 %. Pour certains d'entre eux, les récoltes abondantes pèsent sur les prix. Mais les analystes évoquent également la nouvelle crise politique au Brésil, premier exportateur mondial de café, de soja et de sucre, qui a joué un rôle non négligeable dans la fuite des investisseurs de ces marchés. Les métaux, industriels surtout, accusent également des reculs notables, de 5 % pour le cuivre à plus de 18 % pour le nickel sur le London Metal Exchange (LME). Le cours de cet ingrédient servant à fabriquer l'acier inoxydable est au plus bas depuis un an, plombé par la perspective d'une hausse de l'offre philippine et indonésienne, deux géants du minerai . Quant au minerai de fer, qui entre aussi dans la composition de l'acier, il s'est effondré de 37 % en trois mois, alors que les investisseurs craignent de nouveau un trop-plein mondial. Ils s'interrogent en outre sur la capacité de la Chine — premier consommateur de la planète — à absorber de telles quantités quand ses stocks de fer sont déjà à un niveau sans précédent depuis treize ans. La Chine, dégradée tout récemment par Moody's , revient en effet au centre des préoccupations. «Les preuves de plus en plus nombreuses que l'économie chinoise décélère suscitent des inquiétudes quant à l'impact d'un ralentissement de la demande sur les marchés des matières premières, confirme Simona Gambarini, économiste chez Capital Economics. L'an dernier, les métaux ont été les principaux bénéficiaires de la reprise de l'économie chinoise, stimulée par des mesures de relance, mais, pour certains, les cours avaient très probablement pris de l'avance sur les fondamentaux». Cependant les fondamentaux n'expliquent pas tout. La chute des prix du fer sur le marché à terme chinois a, par exemple, été amplifiée par une intense spéculation des investisseurs sur le Dalian Commodity Exchange. Les contrats à terme chinois, lancés il y a quatre ans, ont fortement influencé les prix physiques. Selon Reuters, le volume de transactions sur ces «futures» a atteint 2,8 milliards de tonnes en mai, ce qui correspond à peu près au double du trafic maritime annuel de fer dans le monde. On trouve toutefois quelques « rescapés » sur ces trois derniers mois : l'or qui a profité de son statut de valeur refuge pour gagner 1 %, le palladium, l'étain et le cacao (environ + 6 % chacun), et l'aluminium qui surnage (+ 0,2 %). De rares hausses insuffisantes pour éviter aux matières premières de signer la pire performance de l'ensemble des classes d'actifs jusqu'à présent cette année.