Par Lassaâd BEN AHMED En publiant les nouveaux taux d'épargne, à la fin de la semaine en cours, l'Observatoire tunisien de l'économie ajoute une pièce maîtresse pour compléter le puzzle des indicateurs économiques ayant fait l'objet de révisions successives ces dernières semaines. Les ménages tunisiens ont beaucoup puisé dans l'argent qu'ils ont épargné avant 2011, principalement pour construire du bâtiment. L'OTE fait état d'une chute de l'épargne de 11.5 % en 2012 à 5.8% en 2015. C'est une information fortement liée aux récents chiffres publiés par l'Institut national de la consommation sur les crédits-ménages qui ont passé du simple au double entre 2010 et 2017, et dont 85% ont été utilisés pour financer l'acquisition d'un nouveau logement ou l'aménagement d'un ancien. Une première lecture de ces chiffres fait état d'une sorte de psychose générale. Dans un contexte socio-économique fortement agité et instable, le commun des Tunisiens a cherché une stabilité minimale dans le bâtiment. D'ailleurs, faut-il le rappeler, dans la culture tunisienne, la propriété est une source de stabilité prioritaire depuis des générations. Sur le plan économique, cette ruée sur l'investissement dans la pierre a été encouragée par la baisse du taux d'intérêt, ramené progressivement à 3,5% depuis 2011 après avoir été à 5,25% en 2009. Mais il est à préciser que cette décision a été expliquée à l'époque par une volonté d'encourager l'investissement lorsque le pays a été bousculé par les événements révolutionnaires ayant conduit à la chute du régime. Toutefois, six ans après, les effets attendus sur l'investissement ont tardé à venir. Bien au contraire, c'est la consommation qui a explosé, suite aux augmentations des salaires et aux divers mécanismes d'insertion des catégories autrefois marginalisées. Cette consommation a nettement affecté les équilibres macroéconomiques et aggravé les déficits budgétaire et commercial, d'où d'ailleurs la chute du dinar tunisien, l'augmentation rapide de l'inflation et la baisse évidente du pouvoir d'achat. La récente intervention de la Banque centrale pour élever son taux directeur à deux reprises et le porter à 5% pourrait être lue comme mesure de correction pour freiner cette tendance infernale et stabiliser les finances du pays. Car par définition, l'augmentation du taux d'intérêt favorise l'épargne et encourage à ajourner la consommation. Cela étant, le fait de procéder de la sorte ne vise pas le secteur du bâtiment en particulier. Ce secteur sera toujours considéré comme locomotive économique, dans la mesure où il s'agit d'un domaine à forte capacité d'emploi. De même, la consommation en général sera toujours considérée comme moteur important de la croissance et de l'emploi, capable de prendre le relais lorsque l'investissement et l'export sont en panne, le cas de la Tunisie durant les dernières années. Il faudrait juste surveiller la balance commerciale au risque de voir les effets positifs escomptés absorbés par des importations superflues, à l'image d'un sac perforé... Aujourd'hui, il y a lieu de s'attendre à un inversement de la vapeur, s'agissant de l'épargne et de l'endettement, non seulement du fait de l'augmentation du taux d'intérêt, mais également des prémices de reprise aussi bien au niveau de l'investissement industriel, mais aussi des autres secteurs qui s'annoncent relativement meilleurs, comme l'agriculture et le tourisme...