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Les choix financiers sont-ils neutres ?
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 02 - 2012


Par Rejeb HAJI *
«Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. » Jean Jaurès
LA croissance se traduit par une augmentation générale des revenus et un mieux- être de la population. Mais cette règle est remise souvent en question, à cause des rapports antinomiques entre la croissance et le bien- être. Faisons un peu de pédagogie en matière d'économie. Rappelons deux vérités : la classe possédante, disposant déjà de ressources abondantes, peut se permettre d'épargner et de thésauriser. Son épargne obéit — ce qui est légitime — à la recherche du plus grand gain, d'où spéculations et risques. L'autre classe, la plus nombreuse, où il peut exister de petits épargnants, cherche souvent un revenu d'appoint ou de sécurité, par le rendement de son épargne. Ces petits épargnants rejettent le risque et refusent la spéculation.
Dans la théorie classique, enseignée à nos étudiants, l'individu peut augmenter simultanément les deux piliers de la croissance : l'épargne et la consommation. Pour Keynes, l'homme d'action, rompu aux maniements des affaires privées et publiques, a cherché à justifier théoriquement ses vues pratiques. Pour lui, ce sont les idées qui mènent les hommes et l'augmentation de l'épargne n'est qu'une conséquence de la fonction de consommation. Ces deux approches ne prévoient, en fait, ni l'accroissement global de l'épargne, ni l'élargissement de son fondement. Il est admis que quelle que soit l'optique retenue, l'épargne globale, collectée au niveau du pays et canalisée par les institutions financières, dépend de la réalisation des objectifs de croissance et de prospérité, retenus par les politiques et assignés par les planificateurs. Ces derniers dont l'objectif premier est l'équilibre macroéconomique et financier, se fondent, généralement, sur des critères économiques souvent isolés des problèmes de financement. La séparation du financier et du réel a été admise, alors que les choix financiers ne sont pas neutres dans une expérience de développement. En effet, ils ne sont ni seconds, ni secondaires, mais étroitement liés à la production. La logique commande de leur accorder autant d'importance qu'aux structures économiques, cela n'a pas été le cas dans nos plans de développement. Dans les modèles retenus, on a souvent établi des projections où la finance est absente. Depuis peu de temps, on a intégré à la fois les facteurs réels, les facteurs monétaires et les facteurs financiers dans les analyses des expériences de politique économique. La crise financière actuelle que connaît le monde pourrait être à l'origine de cette séparation. Pourtant l'histoire économique des pays développés montre que l'élévation du niveau d'industrialisation et le développement économique sont inséparables de l'évolution du système financier. D'ailleurs, certains économistes affirment que les grandes innovations commerciales puis technico-industrielles, ont été favorisées par ce dernier. S'agissant du développement de notre pays, on est en droit de poser des questions du genre : a-t-on mesuré le lien entre la fonction d'épargne et les structures financières ? Peut-on espérer obtenir des performances appréciables, en matière de développement, sans une évolution des structures financières ?
Il est vrai que pour atteindre l'équilibre financier, le planificateur cherche en général à déterminer les principales composantes de l'épargne puis à trouver comment tirer le meilleur parti des capitaux disponibles, sans se soucier des structures financières. Le planificateur est sans réponse lorsque les économies sont en dépression puisque le capital s'accumule et perd de sa rentabilité. L'épargne ne trouve plus alors où s'investir, d'autant plus qu'elle s'accroît chez les personnes fortunées. Les entreprises ne distribuent pas de bénéfices et s'autofinancent vis-à-vis des banques afin de conserver leur indépendance. L'inégalité des revenus s'accentue. La société est alors soumise à des groupes de pression. Tel est le devenir proche de notre société.
Une politique économique aux contours clairs
Une nouvelle donne, lourde de conséquences pour notre économie et il faut en tenir compte : le choix du plus grand syndicat l'Ugtt qui a défini, lors de son dernier congrès, ses deux principaux rôles : l'un politique et l'autre économique. Il se déclare partenaire entier dans le jeu politique. A cet effet, il pose ses exigences : la prise en compte de son projet de Constitution, la séparation des pouvoirs, l'alternance pacifique et la participation aux débats politiques. Si l'organisation syndicale est cohérente dans cette démarche politique, conforme à son rôle historique, elle exige également la participation à une politique économique. Celle-ci doit être aux contours clairs pour le minimum de sacrifice exigible et là encore, l'Ugtt est également dans son rôle puisque le chômage s'accentue et les débouchés se ferment.
Par-delà les idéologies, l'intervention de l'Etat demeure la seule capable de se substituer aux mécanismes naturels du marché. Tout en demeurant attaché à la recherche des profits, à l'initiative individuelle, à la liberté de choix des producteurs et des consommateurs, à la libre fixation des prix, à l'allocation adéquate des ressources, à la concurrence et on peut multiplier les domaines..., il est le seul apte à exercer des actions correctrices et en particulier dans le domaine financier où son intervention peut permettre le redressement du pays. Même si l'épargne n'est pas le seul moteur de l'investissement, son insuffisance conjuguée à une faible demande globale génère des excès de thésaurisation, ce qui se traduit par un sous-emploi des hommes et des biens de production. En relevant la rentabilité du capital, l'Etat peut assurer la lutte contre le chômage. On sait, qu'un faible niveau de revenu entraîne une faible proportion à épargner, ce qui entraîne un faible niveau d'investissement, lequel conduit à une faible productivité qui, elle-même, s'oppose à l'augmentation du revenu réel. Au stade du décollage, ce cercle vicieux est rompu. Le revenu augmente entrainant avec lui la propension à épargner, l'investissement et la productivité. La croissance devient alors cumulative donc productrice de plus d'emplois.
Dans ce modèle, les problèmes financiers s'intègrent. En effet, au retour au b.a- ba de l'économie — règle que nous avons observée dans nos articles précédents — nous travaillons pour gagner de l'argent, pour avoir à notre disposition tout ce dont nous avons besoin pour vivre. Pour cela, il nous faut des billets de banque pour payer en liquide ou un compte en banque garni pour payer par chèque et dans ce cas, il suffit d'une signature pour régler les achats. Les banques sont donc le lieu sûr pour rassembler l'argent de leurs clients. Elles exécutent leurs ordres et tiennent leurs comptes. Dans les agences, on peut faire virer le salaire, déposer et retirer son argent, bénéficier d'un prêt pour se loger, obtenir des devises pour voyager, ouvrir un compte sur livret, acheter des obligations et faire d'autres sortes d'opérations et de placement... En contrepartie, la banque est rémunérée chèrement, non selon ses services mais d'une manière administrative.
Reste que pour un ménage à revenu donné, le choix préalable est la détermination de la part à consommer, le restant étant épargné. Le taux d'épargne augmente lorsque le revenu s'accroît. Au-dessous d'un taux minimum, les agents préfèrent détenir des encaisses liquides plutôt que de les placer. Le taux d'épargne ramené à 2,5%, plus faible que celui de l'inflation et plus faible que la hausse des revenus du secteur bancaire évaluée à 3,5% en 2011, n'est ni un stimulant pour épargner, ni un encouragement à le faire. Même si ce taux ne peut intervenir, en réalité, que pour choisir entre la thésaurisation et les placements.
Deux exigences contradictoires à satisfaire entre épargnants et investisseurs demeurent. Les premiers cherchent un taux d'intérêt fort et les seconds un taux d'intérêt faible. Comment établir cet équilibre ? Pour l'investisseur, le taux est le prix auquel il emprunte et il doit être compatible avec la rentabilité des investissements à réaliser. Deux issues sont envisageables soit une hausse des prix généralisée pour drainer des ressources nécessaires aux investissements avec des pressions inflationnistes, soit renoncer aux investissements, malgré des espoirs de rentabilité.
Dans le premier cas le renchérissement des prix va modifier le partage du revenu entre consommation et investissement et par suite entre épargne et investissement. Cette hausse va engendrer des profits accrus, ce qui va se traduire par des hausses de salaires. Les taux d'intérêt étant administrés, le seul moyen des banques d'accroître leurs chiffres d'affaires, et par suite leur profit, est d'augmenter le volume du crédit qu'elles fournissent. C'est la politique qu'elles ont adoptée durant les deux dernières décennies d'où un endettement des ménages non encore quantifié.
Restructurer le système bancaire
L'investissement public peut se faire soit par un investissement autonome, soit, en termes financiers, par la dissociation entre taux emprunteurs et taux prêteurs. Cette dissociation peut être limitée à l'investissement prioritaire. Dans ce cas, on reviendrait à une spécialisation et séparation des intermédiaires. A l'encontre de cette démarche, la restructuration du système bancaire qui a été dictée d'une part par la mondialisation et d'autre part, par la libéralisation financière. Cette réforme a été entamée, depuis 1986, suite à un plan d'ajustement structurel (PAS) qui devrait déboucher sur une libéralisation de l'économie dont on mesure, aujourd'hui, les effets dévastateurs : un million de chômeurs soit un Tunisien sur sept en âge de travailler, un endettement des ménages dont on ne connaît pas l'ampleur, des salaires mirobolants servis dans le secteur bancaire... Il faut, à notre avis, revenir, au plus tôt, à une séparation des circuits financiers : les uns auront vocation de profits (non illicites comme ce fut le cas des années durant !), les autres se prévalant des priorités du plan c'est-à-dire en d'autres termes à des banques d'affaires et des banques d'investissement.
Pour favoriser les priorités retenues par le PAS et assurer une part déterminante de l'épargne, l'Etat peut privilégier les institutions non bancaires par un taux de rémunération de l'épargne supérieur à celui collecté par les banques. Cette disparité peut même être accentuée par le recours aux exonérations fiscales. Cette canalisation de l'épargne vers les institutions non bancaires va avoir pour effet de minimiser le rôle de transformation des banques d'où leur spécialisation en banques d'affaires et en banques de dépôts. Les perturbations du marché étant fortes et leur évolution chaotique, les phénomènes liés à l'informalité commencent à préoccuper les autorités monétaires et deviennent d'actualité. L'économie informelle est intégrée dans la nouvelle approche du chaos. Celui-ci est défini comme une situation où les procédures de régulation traditionnelle, maîtrisées par les principaux opérateurs économiques officiels (Etat, institutions monétaires et financières), cessent d'être opérationnelles. Quoique l'origine du mal reste toujours incertaine et son interprétation confuse, tout le monde s'accorde sur son danger. L'arsenal de mesures attendues (austérité, baisse du pouvoir d'achat, politique de rigueur...) afin de parer au plus pressé (inflation, chômage, inégalités...), le marasme économique persistant et s'accentuant, a remis en cause les prévisions et les modèles économiques. La basse conjoncture semble s'instaurer pour longtemps même si on table sur une certaine relance, peu probable à court terme. La contraction de la liquidité est un signe non négligeable. D'ailleurs le conseil d'administration de la Banque Centrale, outre l'injection de 3,873 MDT (La Presse du 13/2/2012), appelle de son côté «le secteur bancaire à la poursuite des efforts pour mobiliser les ressources nécessaires assurant l'activité des entreprises et permettant la relance de l'investissement». Seule l'activité bancaire a résisté à la crise, au cours de l'année 2011, d'où la nécessité d'un examen plus attentif et plus approfondi du circuit financier. Pourtant l'agence de notation Fitch Rating a dégradé la note des cinq principales banques en les plaçant à BBB-« surveillance négative » (voir à ce sujet notre article: Agences de notation : un mal nécessaire ?! publié par La Presse le 2/9/2011).
Quels remèdes à apporter à la crise qui s'instaure dans notre pays alors qu'une certaine confusion règne dans notre environnement politique qui, se souciant peu de l'évolution future du monde, continue ses chamailleries. Avec des faux problèmes, la perversité de certains venus d'ailleurs pour ajouter à la confusion dans les esprits et le peu de perspicacité affichée sur tous les plans, le pessimisme et le doute s'installent. Les citoyens se demandent de plus en plus si, quelque part, les politiques ne cherchent pas à détourner leur attention des véritables problèmes qu'ils vivent. Ils ne s'expliquent pas du tout que le débat économique ne tienne pas compte de leurs priorités. Il appartient à nous tous d'y contribuer!
* (Dr en statistiques)


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