Par M'hamed JAIBI L'adoption du Code des collectivités locales, et avec quel contenu, est-elle un préalable à la tenue des élections municipales dont la date annoncée est devenue contraignante ? Certains affirment que oui et arrivent à convaincre, sur des bases constitutionnelles solides, qu'il serait irrecevable que le corps électoral vienne légitimer des conseils municipaux dont les pouvoirs et prérogatives ne sont toujours pas fixés ou — pire — qui obéiraient à l'exécutif central et seraient révocables par simple décision administrative. Soit resteraient conformes aux us et pratiques d'avant la révolution et même d'avant le 7 novembre 1987 (loi de 1975). Redéfinir l'objet des élections Le retard pris dans l'examen du projet de Code des collectivités locales a, peut-être, effectivement été la cause de cette anomalie consistant en l'organisation d'élections locales «démocratiques» en l'absence d'une définition — ou redéfinition — de l'objet de ces élections. Mais ces élections, qui doivent consacrer la décentralisation démocratique consacrée par la nouvelle constitution, ne peuvent se passer d'une définition claire des pouvoirs effectifs dévolus aux municipalités et des rapports de ces dernières avec le pouvoir exécutif central et ses structures déléguées régionales, et notamment le gouverneur, le délégué et les représentations régionales et locales des différents ministères. En l'absence d'une législation définissant les collectivités locales dans l'esprit préconisé par la constitution de 2014, les élections municipales risqueraient d'être attaquées pour non-constitutionnalité. Sans compter qu'elles n'accorderaient aucun pouvoir réel aux citoyens dans les communes, et donc failliraient à leur objectif de décentralisation. Les risques d'une décentralisation débridée En reverche, se pose le risque d'un Code des collectivités locales très démocratique et trop conforme à l'esprit de la Constitution, qui accorderait les «pleins pouvoirs» aux conseils municipaux au détriment de l'indispensable cohérence de la politique nationale. Une telle décentralisation débridée pourrait morceler le pays en régions partant dans tous les sens et en communes incontrôlables rappelant celle, mémorable, de Paris. L'objectif constitutionnel d'une décentralisation effective qui puisse accorder aux régions et aux entités locales une autonomie de pouvoir, qui s'appuierait sur le suffrage démocratique, ne doit pas nous conduire à prendre le risque de disloquer le pays en une mosaïque de pouvoirs locaux et régionaux qui se boudent ou se tournent le dos. Au contraire, il s'agit plutôt de donner aux collectivités locales et régionales la légitimité électorale nécessaire à l'affirmation d'une souveraineté démocratique qui viendrait conforter celle nationale en mobilisant les capacités et ressources de toutes les collectivités qui constituent la nation. L'enjeu de l'autonomie financière Il semblerait donc utile de mener le débat sur le Code des collectivités locales à son terme, quitte à devoir repousser les municipales, dont l'enjeu doit être un réel pouvoir local démocratique légitimé par un vote conscient. Mais cette clarification des pouvoirs et prérogatives n'exclut pas l'introduction de la notion d'étapes dans la réorganisation des collectivités locales et régionales et la redéfinition des prérogatives. C'est ainsi que l'autonomie administrative pourrait être tempérée par un partage des pouvoirs en matière de finances et un arbitrage de la part du gouverneur lorsque deux collectivités contiguës sont en désaccord sur les impacts communs de leurs projets. Mais il est certain que l'autonomie financière est un atout majeur dans la décentralisation. Avec des garde-fous et des recours légaux. Certaines ONG estiment qu'il serait erroné de faire bloquer des projets par le gouverneur ou le «trésorier régional», et sont allées jusqu'à suggérer sans qu'une «décision de justice» vienne arbitrer le litige, mais il serait prudent de retarder au maximum dans la loi de tels recours au troisième pouvoir. Il est plus recommandé de mettre au point un échafaudage d'arbitrage institutionnel et de veiller à faire prévaloir une vision évolutive de la décentralisation et de la montée en puissance des pouvoirs régionaux et locaux. Des pouvoirs qui, entre municipalité, conseil régional et district restent à définir et délimiter.