Par M'hamed JAIBI Une récente triple-conférence donnée par trois connaisseurs de la question de la décentralisation politique et administrative, dans ses différents aspects, a donné l'occasion à un public averti d'anciens cadres de l'administration et d'anciens maires et gouverneurs, de débattre des problèmes que pourraient poser les futures élections municipales et leurs éventuels prolongements régionaux, dans la perspective d'une autonomisation de nos régions, qui reste à définir. Une inconnue, la loi des collectivités locales Plusieurs partis politiques, pas tous d'opposition, et des expressions de la société civile ne cessent d'appeler à une adéquation entre les textes organisant les élections municipales et le projet de loi relatif au Code des collectivités locales, qui doit revoir les différents niveaux de l'organigramme administratif et politique régional et local, définir leurs prérogatives et établir leur hiérarchie et leurs rapports mutuels. Une récente décision vient de compliquer le débat en rétablissant le rattachement de la direction des collectivités locales au ministère de l'Intérieur, au moment même où les prérogatives des gouverneurs sont renforcées, incluant un rôle décisif en matière sécuritaire. La cohérence d'une architecture globale Avec les élections municipales déjà prévues et fixées, la réflexion nationale envisage d'organiser des élections régionales dont les mécanismes électoraux restent à définir. Comme restent à fixer et articuler les prérogatives des Conseils régionaux élus qui en émaneront. Or un tel Conseil élu entrerait naturellement en concurrence avec le gouverneur de la région, investi des pouvoirs de l'exécutif central. Et il s'agit de savoir quel sera le partage des prérogatives entre le gouverneur et le Conseil régional, et si ce dernier va élire, en son sein, un président entrant en concurrence avec le gouverneur ou s'il va, dans une hypothèse de démocratie tronquée, accepter d'être présidée par le gouverneur. Décentralisation et déconcentration La question de la décentralisation du pouvoir par les élections locales et régionales, qui est désormais pleinement acquise de par la constitution, pose maintenant la problématique concrète, posée par le second conférencier, l'ancien ministre Mohamed Salah Ben Aïssa, du «transfert des compétences», pour permettre une action locale et régionale des différents ministères, de par la délégation des pouvoirs des différents départements ministériels à leurs divers districts régionaux. Sans parler des rapports complexes entre ces districts et le gouverneur, en fonction du partage du pouvoir et des prérogatives de ce dernier avec l'éventuel président de la région ou le Conseil régional. Partage qui incombera à la loi devant organiser les collectivités locales, d'où le caractère urgent et primordial de cette loi. Attention aux oligarchies tribales Reste à relater certaines appréhensions exprimées, de la salle, par un ancien maire et gouverneur dans deux régions du sud. L'orateur a évoqué les problèmes liés aux vestiges tribalistes qui empoisonnent la vie publique dans ces régions, pour mettre en doute l'efficience des élections locales et attirer l'attention sur les risques d'accaparation du pouvoir par des oligarchies tribales pouvant même s'ériger en minuscules «émirats locaux» menaçant l'unité nationale et la cohésion de l'Etat. Une crainte que Iyadh Ben Achour, présent dans la salle lors du débat, semblait partager lorsqu'il a préconisé de faire présider le Conseil régional élu par le gouverneur nommé. Tunis, première mairie historique du monde arabe La première conférence, donnée par Abbès Mohsen, ancien maire de Tunis, a mis les présents dans le bain des différents modèles internationaux d'organisation des pouvoirs locaux et régionaux, et des problèmes et exigences qu'ils peuvent poser. Un tour d'horizon fort instructif qui nous apprend que seuls six pays arabes possèdent des municipalités élues, et que la ville de Tunis fut, dès 1837, la première mairie du monde arabe. Enfin, la troisième conférence de cette manifestation organisée par le cercle Kheireddine, qui a été le fait de l'historien Mohamed Saâdaoui, a détaillé l'évolution de l'organisation administrative de la Tunisie, bien avant le protectorat français et qui remonte jusqu'à l'époque berbère, en passant par les différentes dynasties musulmanes.