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« J'ai 13 ans et je ne connais de la vie que le travail »
Campagne « Briser le tabou » contre la traite des personnes
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 06 - 2017

La Tunisie n'est pas épargnée par les phénomènes de traite. C'est ce que révèlent trois organisations — Avocats sans frontières (ASF), le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes) et Novact — à travers leur campagne de sensibilisation intitulée « Briser le tabou ». Les petites bonnes sont particulièrement vulnérables. Mais qui s'en rend compte véritablement ?
« Je m'appelle Manel. On m'a dit que j'ai 13 ans. Chez moi se trouve à Tabarka. Tabarka, c'est très loin. Je ne sais pas si elle est située au nord ou au sud, car je ne suis jamais allée à l'école. Je ne connais de la vie que le travail. Je connais la serpillère et je sais frire des oignons dans l'huile ».
La vidéo qui a été tournée par ASF, le Ftdes et Novact, une ONG espagnole des droits de l'Homme, dans le cadre de leur campagne « Briser le tabou » pour évoquer le drame de Manel et de deux autres profils types de la traite en Tunisie, les petits vendeurs de rue et les prostituées, utilise la technologie holographique (trois dimensions). Si ce procédé, en faisant bouger et parler des avatars de personnes et pas des êtres humains directement, évite la stigmatisation des victimes, il ne laisse rien échapper de leur situation d'extrême vulnérabilité.
La campagne qui se poursuit depuis le 7 juin jusqu'au mois de septembre 2017 vise à sensibiliser la population sur les risques de la traite et les diverses formes qu'elle revêt. La Tunisie étant concernée par ce crime en tant que pays source, de destination et potentiellement de transit. Une opération qui veut aussi informer sur la loi organique relative à la prévention et la lutte contre la traite et sur l'Instance nationale de lutte contre la traite, présidée par une magistrate, mise en place en février dernier et affiliée au ministère de la Justice.
Les petites bonnes : un type de traite accepté par tous
Pour Antonio Manganella, directeur du bureau d'Avocats sans frontières, les petites filles converties en bonnes à tout faire originaires notamment de la région du nord-ouest incarnent « un vrai phénomène en Tunisie, qui passe inaperçu parce que socialement accepté par la majorité ».
Pourtant la loi organique du 3 août 2016 relative à la prévention et la lutte contre la traite, considère cette réalité comme partie intégrante de la traite. Si le corps judiciaire pouvait prouver la présence des trois éléments qualifiant la traite, à savoir les victimes, les exploitants et le réseau, les patrons des petites femmes de ménage pourraient désormais écoper de...dix ans de prison ferme et de 50.000 DT d'amende (voir encadré).
Achref Daboussi, président de l'Association Achbel Khmir, a présenté en janvier 2016 avec une autre association une demande à l'Instance vérité et dignité (IVD) pour inscrire sa ville Aïn Draham en tant que « zone victime ». Parmi les récriminations adressées à l'Etat : l'oubli du développement de toute une région et la faiblesse des infrastructures qui entraînent l'abandon scolaire de presque 100% des enfants dans plusieurs familles. Les filles sont les premières victimes de l'échec scolaire. Certaines sont âgées de 6 ans lorsqu'elles quittent le domicile familial. Elles sont alors envoyées dans les maisons à Tunis et des villes du littoral en tant que petites bonnes. Achref Daboussi dénonce cette atteinte aux droits humains : « C'est un crime indescriptible que d'arracher des petites âgées entre six et quinze ans à leur milieu familial, à leurs jeux, à leur école, à leur enfance et à leur innocence pour aller servir dans les familles de la bourgeoisie citadine ».
Livrées comme du bétail au samsar de la place
Sept cas de jeunes filles mineures employées comme aides ménagères sans cadre légal et sans protection et effectuant souvent un nombre d'heures illimitées et sans congé ont été recensés en 2012 par le ministère des Affaires de la femme et de la famille (Maff). En réalité, elles seraient, selon une étude exploratoire de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), publiée en juin 2013, beaucoup plus nombreuses. Probablement des milliers...C'est, de l'avis de l'OIM, la première forme de traite interne à la Tunisie.
Ce sont des petites filles qu'on livre comme du bétail au samsar (intermédiaire), le jour du marché de Tabarka, Fernana, Aïn Draham... Le père reçoit sa commission en attendant le reste de la paye de sa fille à la fin du mois prochain. Le samsar lui se nourrit de la misère et du chômage qui caractérisent le nord-ouest. Depuis des dizaines d'années « l'industrie » des petites bonnes constitue la seule ressource d'une région enclavée. Mais à quel prix !
Ces petites bonnes s'occupent des tâches ménagères, des enfants et sont parfois victimes de violences physiques, voire d'abus sexuels, selon plusieurs enquêtes officielles.
Des Ivoiriens enfermés et exploités comme « hommes de ménage »
L'Etude de l'OIM a également permis de démontrer l'existence de cas de femmes subsahariennes exploitées dans le cadre de la servitude domestique en Tunisie. Recrutées par des individus parfois protégés par l'immunité diplomatique, celles-ci n'ont que peu de chances d'être secourues.
Avocats sans frontière a de son côté recueilli trois cas de plainte de la part de jeunes hommes originaires de Côte d'Ivoire retenus chez de riches familles tunisiennes en tant que serviteurs. Démunis de leurs passeports, enfermés, battus, asservis, ils sont pratiquement réduits à une situation d'esclavage.
« On leur fait croire que la Tunisie se trouve à quelques kilomètres de l'Europe et qu'il est très facile de s'y rendre à partir d'ici. On leur fait miroiter également de fausses promesses d'embauche dans le foot par exemple », explique Antonio Manganella.
Il ajoute : « On s'est rendu compte à quel point il était difficile d'accéder aux victimes. Celles-ci, fortement affaiblies, souvent analphabètes, ne sont pas en condition de réclamer leurs droits. Notre mission se révèle très ardue en attendant que les brigades contre la traite prévues par la nouvelle loi se mettent en place ».
Une loi passée inaperçue
Pour les avocats, qui s'y sont essayés, faire aboutir des plaintes pour traite en Tunisie a été jusqu'ici impossible. Et ce, malgré une loi très favorable à la lutte contre ce phénomène. Selon toutes les législations en la matière, c'est l'identification de trois éléments qui désignent et nomment un crime de traite : la victime, l'exploitant et le réseau. Or, la chose la plus difficile consiste à dévoiler et à dénoncer un réseau. Des enquêtes judiciaires s'imposent à ce propos. C'est pour cette raison que les magistrats n'ont pu jusqu'ici que qualifier les cas de traite, particulièrement ceux présentés par le pool d'avocats d'ASF, que de « travail forcé ». Chose qui épargne les exploitants des dures sanctions prévues par la loi : dix ans de détention et 50.000 DT d'amende.
Pour ASF, il s'agit aujourd'hui de former les agents judiciaires chargés d'établir des procès-verbaux et de relier les enquêtes judiciaires au ministère de la Justice et non pas à la police administrative comme il est d'usage actuellement. ASF appelle également à la formation de tous les corps concernés par la loi organique du 3 août, forces de sécurité, magistrats, fonctionnaires des principales ambassades dont les ressortissants peuvent représenter des victimes. L'organisation insiste sur la médiatisation d'une loi votée à l'unanimité à l'ARP et pourtant passée inaperçue auprès du grand public. O.B.
« Pas à vendre ! »
Après le commerce de la drogue et des armes, la traite des personnes représente le troisième phénomène criminel le plus lucratif au monde. D'après l'Organisation internationale du travail (OIT), 9 millions de personnes auraient été victimes de ce crime au cours de ces dix dernières années.
Si l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a assisté, entre 2012 et 2013, 67 personnes victimes de traite, dont 58 petites bonnes, « il ne faut pas attendre que des milliers de cas se manifestent pour agir », affirmait Lorena Lando, chef de mission de l'OIM en Tunisie, le 4 avril, sur Radio Tunis chaine internationale (Rtci), au moment du lancement de la campagne du ministère de la Justice en partenariat avec son organisation intitulée « Pas à vendre ». Trente jeunes âgés de 15 à 30 ans avaient participé à la production de cinq films sur ce thème.
« Comme le phénomène de la traite est transnational, ces films vont nous permettre de dénoncer ce type d'exploitation à travers le monde, particulièrement sur les réseaux sociaux », a ajouté Lorena Lando.
D'autant plus qu'Internet est largement exploité, ces dernières années, par les réseaux de trafiquants. Pour recruter, sous de fausses promesses d'embauche, les candidats à la traite, soit en direction de la Tunisie (clientèle visée les Ivoiriens) ou en destination du Liban et des pays du Golfe concernant des réseaux de prostitution de jeunes tunisiennes.
Alerter quant à ces situations d'exploitation, de fragilité et de travail forcé sans liberté de mouvement reste la seule stratégie de lutte contre ce crime, affirme l'OIM. O.B.


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