Par Abderrazak FEKI L'idée a longuement mijoté. Serait-il judicieux d'ériger un musée consacré au 7e art dans un petit pays de la rive sud‑? L'industrie du cinéma a toujours été l'apanage des pays riches et développés; si cela est vrai, il est aussi vrai que les activités liées à cet art-industrie ont débordé pour franchir la Méditerranée. Remontons un peu le temps. Tout au début des années cinéma, les frères Lumière ont tourné des scènes animées vivantes à Tunis. C'était déjà en 1895. Juste un an après, des projections ont eu lieu grâce à l'ingéniosité d'un jeune Tunisien‑: Sammama. Quelques années plus tard, en 1908, la première vraie salle de cinéma a vu le jour. L'engouement pour cet art nouveau en Tunisie a été tel que dans de nombreuses villes, la cinéphilie a pris pied. Ce qui a abouti à la création, en 1950, de la Fédération tunisienne des ciné-clubs. Toutes ces considérations ont pesé en faveur de la dotation de la ville de Tunis d'un musée national pour le cinéma, à l'instar de Paris, Berlin et Bruxelles. Ce qui fut fait en marge de la 17e session des JCC de 1998. L'inauguration s'est passée dans la plus grande discrétion, car les temps étaient durs. La fréquentation ayant fortement baissé a entraîné la fermeture de nombreuses salles à Tunis et dans d'autres villes de province. Ce nouveau venu dans le paysage muséographique tunisien a ouvert ses portes (en fait il n'en n'a qu'une) début février 1998. Insolite, il n'a pas drainé les foules habituées à contempler les vieilles pierres. Si l'apparence est ce qu'il y a de plus banal, l'intérieur est tout autrement. Dès que vous y mettez les pieds, vous avez déjà un avant-goût d'un espace dédié au cinéma, vous êtes enveloppé par la même obscurité qui règne dans les salles de projection, si ce n'est les panneaux lumineux qui retracent l'histoire du cinéma en Tunisie. Les collections sont uniques, elles ont été acquises à deux privés dont l'un a tenu boutique près d'un demi-siècle dans une rue passante du centre historique de Tunis. Tous ces appareils racontent l'histoire des techniques du cinéma depuis les premiers balbutiements jusqu'aux nouvelles technologies. Des caméras, des projecteurs, des tourne-disques du cinéma muet voisinent avec des appareils photo plus récents. De véritables pièces datant du début de l'ère du cinéma sont aussi présentes; elles paraissent étranges aux yeux d'un visiteur d'aujourd'hui. La mezzanine de ce petit bâtiment creusé dans les fortifications de La Kasbah et adossé au ministère de la Culture est aménagée pour la projection de films et les discuter pour que l'espace soit vraiment vivant. Logé dans un bâtiment séculaire, le musée du cinéma, malgré son jeune âge, a souffert des pathologies de vieillesse propres à tous les vieux édifices. Exigu, il ne permet pas la visite en groupes importants, l'étanchéité de la terrasse mise à mal par les intempéries des dernières années, auxquelles il est mal préparé, laisse filtrer l'eau de pluie. L'administration l'a fermé à titre conservatoire, afin de remédier à toutes ces anomalies. Nous souhaitons que ce petit joyau retrouve une nouvelle vie, après tout il est trop jeune pour mourir. Toutes les mesures pour la promotion du cinéma nous confortent, celles qui ont été annoncées, et toutes les autres qui sont en gestation. Notre espoir est grand.