La présente loi annule désormais les articles 227, 239, 218 ainsi que le deuxième paragraphe de l'article 319 du Code pénal, lesquels facilitaient, d'une manière ou d'une autre, l'impunité des agresseurs sexuels Suite à l'adoption tant attendue, par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), de la loi organique contre la violence à l'égard des femmes, Mme Naziha Laâbidi, ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, a donné, hier, au Palais du gouvernement, une conférence de presse pour signifier la fierté de l'institution de tutelle et de la femme tunisienne d'avoir décroché cet acquis. La rencontre a été l'occasion de vulgariser l'information sur les grandes réformes législatives acquises à travers l'adoption de ladite loi en faveur des femmes, des enfants et de la société tunisienne d'une manière générale. Ouvrant la conférence, la ministre a qualifié l'adoption de ladite loi comme étant un évènement historique. La campagne de plaidoyer pour l'adoption de ladite loi ayant été démarrée le 25 novembre 2016, elle a réussi à mobiliser les féministes, les membres de l'ARP ainsi que les activistes de la société civile qui ont soutenu ce projet. Finalement, le rêve dont les sillons ont été tracés depuis plus de vingt ans a pu être concrétisé : 146 représentants du peuple ont voté pour ce tournant législatif historique. « L'adoption de la présente loi et la volonté commune d'éradiquer toute forme de violence à l'égard des femmes représentent un pas vers la liberté, l'estime de soi et le respect mutuel », a indiqué la ministre. Cette position politique et civile a fait la une des médias internationaux, en guise de reconnaissance des efforts fournis par la Tunisie pour le renforcement des droits de la femme. « Notre pays, renchérit la ministre, est classé 19e sur la liste des pays qui ont opté pour une loi intégrale contre la violence de genre. De ce fait, d'ailleurs, elle se distingue comme étant la première à l'échelle arabe et africaine, et ce, selon ONU Femmes ». Prévention, protection, prise en charge des victimes et traduction en justice des agresseurs La loi organique contre la violence à l'égard des femmes se définit comme étant une loi intégrale dans la mesure où elle englobe quatre volets aussi intrinsèques que complémentaires, à savoir la prévention, la protection et la prise en charge des victimes, d'une part, et la traduction en justice des agresseurs, de l'autre. Elle comprend 43 articles et vient combler les lacunes ayant marqué la loi antérieure. Répondant parfaitement aux exigences de la Constitution, notamment de l'article constitutionnel numéro 46, elle promet une meilleure harmonie entre les textes législatifs et une véritable révolution du Code pénal. « La présente loi annule désormais les articles 227, 239, 218 ainsi que le deuxième paragraphe de l'article 319 du Code pénal, lesquels facilitaient, d'une manière ou d'une autre, la déculpabilisation voire la dépénalisation des agresseurs. Ainsi, la punition des agresseurs s'avère-t-elle désormais la règle infaillible de la législation en matière de lutte contre la violence à l'égard des femmes, mais aussi des enfants des deux genres », a-t-elle expliqué. Non au travail des enfants ! D'un autre côté, la loi pénalise tous les intervenants impliqués dans l'exploitation économique des enfants âgés de moins de 18 ans, ce qui met fin une bonne fois pour toutes au paradoxe juridique, lequel avait longtemps admis le travail des enfants âgés de plus de 16 ans. « Le gouvernement d'union nationale a tenu à intégrer, par ailleurs, la violence politique parmi les formes de violence à combattre, et ce, en vue de concrétiser le principe de la parité aussi bien sur le plan horizontal que celui vertical », a ajouté la ministre. Rappelant que le ministère a organisé plusieurs actions de sensibilisation, d'information et de formation en faveur de 3.000 familles relevant de toutes les régions sans exception. Ces actions convergent vers le renforcement chez les femmes de l'estime de soi et leur incitation à l'intégration dans la vie politique, que ce soit par le vote ou par la déposition de leur candidature. Plan « Ra ida » : 1.243 projets féminins financés Pour mettre en œuvre les 43 articles de la présente loi, le ministère de tutelle a mis en place une panoplie de plans et de programmes dont le plan « Ra ida » (Leader) pour l'autonomisation économique des femmes. Il s'agit d'octroyer des crédits allant de mille à dix mille dinars en faveur des femmes porteuses de projets. Ces crédits ne sont soumis ni à un taux d'intérêt ni à l'autofinancement. D'autres montants plus importants sont accessibles. Ils varient de 10 mille à 90 mille dinars avec un taux d'intérêt de 3% et un délai de grâce d'une année. « Jusqu'à nos jours, ce plan a permis à plus de 1243 projets féminins de voir le jour. Nous ambitionnons, d'ici 2020, de hisser le nombre des projets appuyés par le plan ‘‘Ra ida'' à 8000 », a ajouté la ministre. Le ministère a mis en place une stratégie de prévention contre la violence dans le milieu familial, misant ainsi sur la préparation des futurs conjoints à la vie familiale. Une autre stratégie tend à rétablir l'équilibre familial par le biais d'une éducation parentale solide. « Nous avons apporté des modifications salutaires à la loi relative au congé de maternité, un congé qui sera placé sous le signe parental. En effet, poursuit la ministre, il est désormais permis aux parents de partager le congé parental pour une meilleure complicité entre le couple et une meilleure harmonie familiale ». Le juge de famille : des prérogatives de protection immédiate Prenant la parole à son tour, Mme Samia Doula, juge et chargée de mission auprès de la ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, a souligné les principaux points forts de la présente loi. Une loi obéissant à une approche intégrale, qui prépare le terrain à la mise en place de stratégies sectorielles applicables. Mme Doula a insisté, dans son allocution, sur la protection confirmée des enfants contre toute forme de violence dont les violences sexuelles. La loi dote, à l'avenir, les enfants de sexe masculin de la protection qui leur revient de droit, ce qui auparavant faisait défaut et constituait une lacune législative flagrante. L'Etat se charge de la protection des enfants victimes de violence sexuelle jusqu'à l'âge de 16 ans alors que cette responsabilité se limitait à l'âge de 13 ans. D'autant plus que la loi criminalise dorénavant l'inceste sur mineur. Elle condamne aussi la violence morale et la mentionne noir sur blanc dans le Code pénal. « La loi accorde au juge de famille plus de prérogatives dans la mesure où il lui est possible de prendre des mesures immédiates pour assurer la protection des victimes de violence », a-t-elle souligné. Les victimes de violence seront, par ailleurs, reçues par des unités spécialisées, implantées dans les postes de police et de sécurité nationale, lesquelles unités seront également chargées du suivi des crimes fondés sur la violence. Notons que le ministère met à la disposition du public un numéro vert pour dénoncer les cas de violence, soit le 1899.