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« Atteinte flagrante aux droits de l'enfant »
Entretien avec Hatem Kotrane, professeur à la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis et membre du Comité des Nations unies
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 12 - 2016

Le verdict prononcé par le Tribunal de première instance du Kef autorisant le mariage d'une mineure de 13 ans ayant subi un acte sexuel de la part d'un jeune homme a eu l'effet d'une bombe, faisant des vagues au sein d'une opinion publique scandalisée par une décision qui banalise et légitime les agressions sexuelles commises sur les filles en accordant la possibilité à l'agresseur de se marier à sa victime pour échapper aux poursuites judiciaires. A l'origine de ce verdict, le très controversé article 227 bis du code pénal tunisien qui refait surface, suscitant une levée de boucliers au sein de la société civile qui tire aujourd'hui à boulets rouges sur cette disposition qui a brisé la vie d'une jeune fille à peine sortie de l'enfance au lieu de la protéger. D'autres victimes risquent de suivre si cet article ne fait pas l'objet d'une révision qui devrait notamment permettre de supprimer la notion de «mariage» avec l'agresseur.
Hatem Kotrane, professeur à la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis et membre du Comité des Nations unies des droits de l'enfant, a bien voulu apporter un éclairage sur cette affaire. Entretien.
Le Tribunal de première instance du Kef vient d'autoriser un agresseur sexuel à se marier avec sa victime, une mineure âgée de 13 ans qui est tombée enceinte. Que pensez-vous de cette sentence trop «clémente» à notre sens, d'autant plus que la victime est une adolescente?
Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une sentence clémente, mais bien d'une décision discriminatoire, qui autorise l'agresseur à laver son crime dans le propre sang de sa victime ! Le Tribunal de première instance du Kef s'est fondé sur les dispositions du Code pénal lui-même, en l'occurrence l'article 227 bis, qui punit d'emprisonnement pendant six ans celui qui fait subir sans violence l'acte sexuel à un enfant de sexe féminin âgé de moins de quinze ans accomplis, en ajoutant : «Le mariage du coupable avec la victime... arrête les poursuites ou les effets de la condamnation...». Ceci est en totale contradiction avec la Convention des droits de l'enfant et avec les dispositions du Code de protection de l'enfant dont l'article 4 affirme le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant qui doit être «...une considération majeure dans toutes les mesures prises à l'égard de l'enfant par les tribunaux, les autorités administratives, ou les institutions publiques ou privées de la protection sociale». Le juge a alors oublié, manifestement, ce principe majeur ! Certes le crime ainsi «blanchi» consiste en l'accomplissement d'un acte sexuel ne ressortant pas du crime de viol puni de mort par l'article 227 du même code lorsqu'il est commis avec violence, usage ou menace d'usage d'arme ou lorsque la victime est une personne âgée de moins de dix ans accomplis et d'emprisonnement à vie lorsqu'il est commis en dehors des cas précédents. Le même article 227 ajoute, à cet égard, que le consentement est considéré comme inexistant lorsque l'âge de la victime est au-dessous de 13 ans accomplis. Soit ! Toujours est-il qu'il est difficile de faire la distinction entre le cas de viol et celui d'agression sexuelle sans violence sur une fille de 13 ans.
Ce verdict fait ressortir l'une des principales failles de la législation tunisienne en matière de protection des droits des enfants à travers l'application du très controversé article 227 bis du Code pénal qui autorise l'abandon des poursuites au cas où l'agresseur se marierait à sa victime même si elle est mineure. N'est-il pas temps, selon vous, d'abroger cet article qui prive les jeunes filles d'une protection efficace contre la forme de violence la plus abjecte dont elles peuvent être victimes et qui est la violence sexuelle?
Je dirai même plus ! On a pris même un grand retard en ce domaine, alors que l'abrogation dudit article 227 bis du code pénal — ainsi d'ailleurs que l'article 239 du même Code autorisant le ravisseur d'une fille à échapper à toute poursuite pénale s'il épouse par la suite sa victime — a été, pendant longtemps, une revendication constante des ONG de défense des droits humains et une des recommandations des organes internationaux de contrôle. Je rappellerai, à cet égard, les observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, faites à l'issue de l'examen des cinquième et sixième rapports périodiques de la Tunisie sur l'application de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Cedaw), où ledit Comité s'est dit préoccupé, notamment, «...par les articles 227 bis et 239 du Code pénal, selon lesquels le violeur ou le ravisseur sont exonérés de peine s'ils épousent ensuite la victime ». Le Comité, en conséquence, «...engage vivement l'Etat partie à modifier les articles 218, 227 bis et 239 du Code pénal afin que les auteurs de violence contre les femmes ne puissent tirer un avantage injustifié de leurs actes délictueux...». La même recommandation a été au cœur des observations finales du Comité des Nations unies des droits de l'enfant, faites à l'issue de l'examen, le 4 juin 2010, du troisième rapport périodique de la Tunisie sur l'application de la Convention des droits de l'enfant, où ledit comité «...recommande à l'Etat partie... d'amender l'article 227 bis du Code pénal afin d'interdire expressément de faire subir, même sans violence, l'acte sexuel aussi bien aux filles qu'aux garçons de moins de 15 ans accomplis...».
Quelle sanction doit être prise à l'encontre d'un individu qui a fait subir un acte sexuel à un mineur? Quelles sont les modifications qui doivent être apportées à l'article 227 bis du Code pénal? Ne faut-il pas le changer par un article plus sévère à l'égard des violeurs?
Il faut, en fait, maintenir l'article 227 bis du Code pénal dans ses paragraphes 1 à 3 qui punissent d'emprisonnement pendant six ans celui qui fait subir, sans violence, l'acte sexuel à un enfant âgé de moins de quinze ans accomplis, étant rappelé que le viol est plus lourdement sanctionné par les dispositions précédentes de l'article 227 du même Code. Il faut, en revanche, étendre l'infraction et les peines encourues au cas où la victime serait un garçon, et ne pas limiter cela au cas d'un enfant de sexe féminin. En fait, tant les femmes que les hommes peuvent subir des agressions sexuelles, y compris un viol. L'article 227 bis donne alors une idée sur l'opinion que porte le législateur qui opère une discrimination intolérable entre citoyens basée sur le genre. Mais il faut surtout supprimer l'autorisation légale de violer les droits des enfants, notamment des petites filles, en abrogeant tout simplement le paragraphe 4 du même article 227 bis, selon lequel «le mariage du coupable avec la victime... arrête les poursuites ou les effets de la condamnation...». Il faut, dans le même sens, abroger purement et simplement tout l'article 239 du même Code selon lequel «le mariage de l'auteur de l'infraction avec la fille qu'il a enlevée a pour effet la suspension des poursuites, du jugement ou de l'exécution de la peine».
Le législateur serait bien inspiré, à cet égard, de tirer profit d'un bon précédent, celui de la loi n°2010-40 du 26 juillet 2010 portant suppression pure et simple du paragraphe 2 de l'article 319 du Code pénal, selon lequel «la correction infligée à un enfant par les personnes ayant autorité sur lui n'est pas punissable» ! En portant suppression de ce paragraphe, le législateur a placé la Tunisie parmi les pays interdisant les châtiments corporels ! Il faut étendre cette même logique aux articles 227 bis et 239 du même Code pénal et le purger ainsi de ses dispositions aussi archaïques que discriminatoires et injustes !
Dois-je ajouter pour l'exemple qu'un pays voisin, le Maroc, a fait quelques avancées sur cette même question de la tolérance législative honteuse permettant à l'agresseur sexuel d'épouser sa victime pour éviter toute poursuite pénale. Ainsi et suite à la triste tragédie connue par Amina en 2012, 16 ans, qui s'était suicidée après avoir été mariée à l'homme qui l'avait violée, le Code pénal marocain a été modifié. Le Comité des droits de l'enfant a salué cette avancée consistant en l'abrogation en janvier 2014 de l'article 475 du Code pénal qui permettait aux auteurs de viol de bénéficier de l'impunité s'ils épousaient leur victime.
Comment doit réagir le ministère des Affaires de la femme, de la famille et de l'enfance? Quel rôle est-il appelé à jouer dans ce type d'affaire, notamment si un enfant est victime de viol et que ces droits sont bafoués?
Le ministère doit aller au-delà de l'expression de sa vive, et du reste juste, préoccupation ! Nous pouvons noter avec satisfaction son engagement à œuvrer à obtenir l'annulation de la décision de justice et du mariage, eu égard à l'intérêt supérieur de l'enfant et à agir, à travers ses structures et en coordination avec les autres ministères concernés, à accompagner la victime, en vue de lui assurer la prise en charge psychologique et médicale nécessaire, et lui venir en aide ainsi qu'à sa famille ! Nous saluons aussi son appel aux médias à tâcher de ne pas dévoiler les données personnelles de l'enfant et à éviter une ré-victimisation de la fille, comme cela est, malheureusement, si souvent le cas dans certains médias.
Mais franchement, le ministère a-t-il réellement la qualité pour agir en justice en vue de l'annulation de la décision de justice et du mariage ?
Le ministère public, seul, peut le faire, ainsi que les parents de la victime, selon la procédure légale d'usage. Le rôle du Maffe est autre ! Il doit poursuivre activement et presser l'Assemblée des représentants du peuple en vue de l'examen du projet de loi portant sur l'éradication de toutes les formes de violence contre la femme, comme annoncé dans son communiqué. Mais cela est, franchement, insuffisant !
Au pays des droits de la femme et des droits de l'enfant, plus de cinq années se sont en fait passées sans qu'aucune avancée significative n'ait été enregistrée en matière de droits de l'enfant, ni encore moins en matière de droits de la jeune fille. La présente affaire de la petite fille agressée sexuellement et mariée à son agresseur est-elle, en fait, l'aveu de l'échec pur et simple de la politique actuelle en matière de protection des droits de l'enfant. Elle doit appeler à un réveil, un sursaut national qui va au-delà de quelques lois archaïques, encore présentes dans notre ordonnancement juridique, pour retentir sur tout l'appareil judiciaire et administratif responsable de la mise en œuvre effective des lois dans la réalité. Comment expliquer, par exemple, qu'un juge tunisien, formé dans l'une de nos propres facultés de droit, ait pu autoriser le mariage de cette jeune fille de 13 ans à son agresseur, au détriment du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant? Tout cela vient, en réalité, nous rappeler que tout n'est pas dans la loi ! Former, former, former ! Voilà la priorité qui doit redevenir au centre de l'action du ministère, par le biais de l'Observatoire d'information, de formation, de documentation et d'études sur les droits de l'enfant, et avec ses principaux partenaires relevant des autres départements et de la société civile.


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