5,268 millions de véhicules dans le monde en six mois, contre 5,129 millions pour le concurrent japonais Toyota et 5,270 pour le groupe allemand Volkswagen. Carlos Ghosn, l'architecte de l'Alliance Renault-Nissan, peut sortir jubiler : il est désormais à la tête du numéro un mondial de l'automobile, le rêve qui l'accompagne plus ou moins secrètement depuis le tournant du siècle. L'attelage mondial qu'il élargit méthodiquement depuis quinze ans — aujourd'hui constitué de Renault, Nissan, Avtovaz, Samsung Motors, Mitsubishi et Brillance — a vendu davantage de voitures que Toyota et Volkswagen au premier semestre de l'année. Une première. A vrai dire, les trois géants se tiennent dans un mouchoir de poche, et les observateurs ont sorti leurs calculettes vendredi pour mieux arbitrer la bataille de chiffres. Carlos Ghosn et ses différentes équipes ont écoulé 5,268 millions de véhicules dans le monde en six mois, contre 5,129 millions pour le concurrent japonais Toyota et 5,270 pour le groupe allemand Volkswagen. Mais à Wolsburg, on intègre à ce chiffre les camions MAN et Scania, soit 97.000 poids lourds. Donc Renault-Nissan est bien premier en matière de voitures particulières et utilitaires légers ce semestre, avec près de 100.000 véhicules de plus. A 2,9 millions d'unités, les volumes de Nissan ont gonflé de 5,6 % du fait d'une envolée des ventes au Japon, ceux de Mitsubishi de 2,4 %, ceux de Renault de 10 % grâce aux ventes européennes alimentées par Dacia, et au regain des marchés russe et brésilien. Au passage, le Losange signe un record semestriel, avec 1,88 million de voitures écoulées. Concurrence serrée Cette position de maillot jaune contient pourtant sa part de malédiction. General Motors, à présent numéro 4 mondial, portait la tunique quand il fut plombé par des campagnes de rappels à n'en plus finir. Volkswagen était tout en haut quand le scandale des moteurs truqués éclata. Toyota était dans la même position quand le constructeur nippon déplora de nombreux problèmes de qualité — à commencer par l'affaire des tapis de sol dangereux aux Etats-Unis. La course à la taille, « c'est fini », avait alors tranché le patron Akio Toyoda, soucieux du niveau de qualité et des marges de ses voitures. « Quand Volkswagen nous a dépassé l'an dernier, on n'a rien fait : nous n'avons pas voulu acheter du volume », rappelle un dirigeant de Toyota. « Peu importe le volume, tranche un observateur du secteur. Ce qui compte vraiment, c'est la qualité du volume, et sa marge. La masse doit être rentable pour financer la R&D. Sans plates-formes et usines communes, cela ne sert à rien. C'est encore une limite pour Renault-Nissan ». En interne, on préfère donc dire que la taille n'est pas importante en tant que telle. Officiellement, ce n'est pas « une fin en soi », ni même « un objectif ». Mais le volume permet de discuter d'égal à égal avec les géants du numérique, pour financer le développement de toutes les motorisations possibles, ou dans les négociations avec les fournisseurs. « Personne ne commande dix millions de pièces d'un coup, sur une seule commande, c'est un dialogue qui n'existe pas », tempère le patron d'un équipementier. Renault ne serait pas le même aujourd'hui sans l'Alliance, soutient de son côté Thierry Koskas, le directeur commercial de Renault. C'est un élément de performance pour les technologies, les plates-formes, la fabrication croisée... Et en Chine, notre implantation aurait été beaucoup plus compliquée sans Nissan ». Le groupe français se nourrit également de ses ventes de pièces ou de moteurs à son partenaire. « L'Alliance se retrouve aujourd'hui dans une situation sympathique, et elle a encore du potentiel », juge un observateur, qui ajoute cependant qu'il « reste du travail chez Mitsubishi et Avtovaz, et que Renault a toujours au-dessus de lui l'épée de Damoclès du diesel ».