Plusieurs gouvernorats concernés, la piste criminelle est sérieusement envisagée « Il ne fait aucun doute que certains foyers d'incendie ont été provoqués par des actes criminels délibérés, les enquêtes ouvertes vont probablement nous fournir plus de détails », voilà ce qu'affirme d'emblée le secrétaire d'Etat à la production agricole, Omar El Behi, que nous avons contacté. Sa certitude vient du fait que le timing et la simultanéité des premiers départs de feu (une quinzaine) sont tellement étranges qu'ils laissent très peu de place au doute. « Ce matin de lundi nous avons eu un départ de feu à Aïn Draham vers 4h30 du matin, il ne peut s'agir que d'un acte criminel. A cette heure, il n'y a ni chaleur, ni soleil tapant », explique Omar El Behi. Dès samedi, des incendies se sont déclarés un peu partout dans les gouvernorats de Jendouba, Siliana, Kairouan, Béja et Bizerte. « A chaque fois que nous pensions que les feux étaient maîtrisés, d'autres foyers se déclaraient », constate Habib Abid, directeur général des forêts. Lundi, une réunion de crise avait réuni les parties prenantes et selon les déclarations officielles, « tous les moyens ont été déployés pour venir à bout de ces graves incendies dans les zones forestières ». Le chef du gouvernement Youssef Chahed s'est rendu hier au poste de commandement de la protection civile et a affirmé que 80% des incendies sont maîtrisés par la protection civile, épaulée par l'armée. Il est par ailleurs revenu sur les incendies probablement d'origine criminelle et a assuré que l'Etat poursuivra les auteurs. Plus prudente, la députée de la région, Sana Mersni, affirme que les feux qui se sont déclarés soudainement, de manière concomitante, à Tabarka et Fernana sèment le doute, même si seule l'enquête ouverte par la garde nationale pourra transformer ces doutes en certitudes. Zones difficilement accessibles « Les départs de feu sont partis de zones infranchissables, même pour des voitures 4x4, note-t-elle. Même la protection civile a mis du temps avant d'accéder à ces zones ». La députée affirme également que certains habitants s'adonnent à des activités illicites dans les zones forestières et qu'il n'est pas rare que des individus mettent le feu à des arbres pour pouvoir récupérer du bois. Mais dans cette quête du gain facile, Mersni rappelle qu'au vu du nombre d'hectares dévorés par les flammes, personne ne sort gagnant. «Mais prenons du recul par rapport aux évènements et notons que le nombre de gardes forestiers n'a cessé de décroître depuis des années, dit-elle. Aujourd'hui, il est important de réviser le code des forêts afin de faciliter et d'organiser l'accès aux zones forestières, valoriser les produits forestiers, c'est ainsi qu'on pourra enfin limiter l'exploitation illégale et surtout responsabiliser les habitants qui deviendront eux-mêmes les protecteurs de la forêt ». Le fait est qu'à Jendouba, tristement célèbre par le nombre de catastrophes naturelles, les députés et les habitants demandent depuis 2012 la mise en place d'une commission régionale permanente de lutte contre les catastrophes naturelles. Une demande restée lettre morte. Les gouvernements successifs se sont contentés « d'apporter l'aide et les moyens nécessaires », de manière ponctuelle, lorsque la catastrophe s'installe.