Par Abdelhamid Gmati Les revendications se multiplient ces dernières années, et ce, dans, pratiquement, tous les secteurs. Et en majorité, elles sont d'ordre syndical ou liées aux demandes d'emploi. Mais il en est qui, a priori, semblent anodines et passent presqu'inaperçues. Et pourtant. C'est ce qui se passe au Centre national de l'informatique (CNI). Au début de ce mois d'août, les agents et cadres de ce centre ont demandé « le retour, en urgence, du centre à la présidence du gouvernement. Le syndicat de base du CNI avait déjà, dans un courrier en date du 04 mai 2017, demandé de « bien vouloir rattacher l'établissement à la présidence du gouvernement ». Pourquoi cette demande assez insolite ? Ils s'en expliquent : «Cette urgence vient dans le cadre de la protection des données personnelles afin d'assurer la confidentialité des informations et de garantir la neutralité de la fonction publique, dans l'intérêt du pays et du citoyen. Le CNI doit être épargné des querelles politiques, en raison de la nature critique des informations qu'il traite ». Et ils ajoutent : «Il est important à noter que la nature des tâches et des activités, confiées au centre dans le secteur des technologies de l'information et de la communication, est un système horizontal qui concerne, en premier lieu, la présidence du gouvernement, les intérêts de tous les ministères, départements et institutions nationales à travers le développement, le déploiement et l'hébergement des tous les systèmes nationaux. Il convient également de noter que le CNI a assuré les élections de 2011 et de 2014, ainsi il assurera les élections municipales 2017». A rappeler ici que le CNI, institué le 30 décembre 1975, est un établissement public à caractère non administratif doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière. Certifié ISO 9001 version 2008, il opère dans les domaines de l'informatique et des technologies de l'information et de la communication (TIC). Il est actuellement placé sous la tutelle du ministre des Technologies de la communication et de l'Economie numérique. Et ce que les agents et cadres considèrent comme « une aberration ». Car, pour eux, le fait que le centre soit aujourd'hui « sous la tutelle d'un ministère dirigé par un proche du parti islamiste Ennahdha, Anouar Maarouf, présente des risques que les bases de données numériques soient utilisées par ce parti ». Rim Mourali du Parti de l'indépendance tunisienne (PIT) s'est intéressée au sujet et estime : « Quand il s'agit de la sécurité nationale il n'y a pas de consensus qui tienne. Le CNI est le centre névralgique de l'administration dans toutes ses dimensions mais est aussi en rapport direct avec la vie quotidienne de chaque citoyen tunisien, on y draine toutes les données allant des registres de l'état civil, les registres des fonctionnaires publiques sans oublier le registre électoral, tout en assurant aussi l'hébergement des applications en rapport avec la gestion des affaires courantes des différents ministères, administrations et institutions ainsi que la sauvegarde des données ». Et elle évoque le cas de cet amnistié qui fut recruté le 04 mars 2013, « au sein du CNI en qualité de technicien au service de traitement et d'intégration des données, recrutement fort contesté par les cadres de l'établissement surtout que des agissements suspects ont été relevés au vu desquels il a été décidé de sa mutation dans un autre service à sensibilité moindre, décision à laquelle il a refusé d'obtempérer d'ailleurs et continue à avoir accès à des données incommensurables et d'une importance capitale en faisant partie d'un service d'une sensibilité extrême touchant directement notre sécurité nationale ». Pour elle, « avoir toutes les facilités d'accès au CNI vaut tous les ministres réunis ». Le CNI, parmi ses nombreuses tâches sensibles, assure, aussi, la gestion des salaires de la fonction publique et le registre électoral. Ce qui fait dire à Rim Mourali que pour les prochaines élections municipales, « les dés sont pipés d'avance ». Cela explique-t-il la dernière « sortie » du président d'Ennahdha qui a paru donner des « instructions » au chef du gouvernement et lui dicter la marche à suivre, notamment de veiller au bon déroulement des prochaines élections municipales ? En tout cas, au vu de ce qu'affirment les agents et cadres du CNI et Mme Mourali, il est clair que « Grand Frère nous regarde » (cette expression est utilisée pour qualifier toutes les institutions ou pratiques portant atteinte aux libertés fondamentales et à la vie privée des populations ou des individus).