• Nahal Tajadod, née à Téhéran, vit en France depuis 1977. Cette double culture, la persane et la française, déjà consolidée par son mariage avec le célèbre écrivain et cinéaste Jean-Claude Carrière, est enrichie d'une troisième, acquise au cours de ses études couronnées par un doctorat de chinois ancien. Cela fait de son œuvre littéraire, écrite en français,un pont d'une grande force jeté entre Orient et Occident Après la trilogie consacrée à Mevlana Rûmi, base et référence du soufisme, avec Amour, ta blessure dans mes veines, illustré par l'excellent calligraphe tunisien, Lassaâd Metoui, Rûmi, le Brûlé et Sur les pas de Rûmi, également illustré par la Brésilienne, d'origine libanaise, Federica Matta, après A l'est du Christ et Passeport à l'iranienne, récit contemporain, léger et plein de fantaisie se situant loin des œuvres érudites écrites précédemment, Nahal Tajadod revient en 2008 avec Les Porteurs de lumière ou l'épopée de l'église de Perse et, tout récemment, avec Debout sur la terre, paru chez J.-C. Lattes en avril 2010. Le rendez-vous manqué Dans la foulée des trois livres en hommage à Jalaladdine Rûmi, des best-sellers en France et en Iran, Debout sur la terre se présente comme un témoignage de respect et d'amour pour sa mère, Mahin Djahanbeyoglou Tajadod, une Kurde iranienne spécialiste des langues et des religions iraniennes préislamiques. Elle s'en est inspirée pour son héroïne, Ensiyeh. Dans ce livre, on retrouve des clins d'œil sur sa famille, la Tajadod, des citations de Shams de Tabriz en relation avec son œuvre sur Rûmi, des évocations du Mahabharata, cette magnifique épopée sans -krite de plus de 200.000 vers retraçant les exploits de Krishna et d'Arjuna, ainsi que de La conférence des oiseaux du poète mystique persan Faridaddine Attar du XIIe siècle. Les quatre principaux personnages du roman, soit l'octogénaire francophile, le cinéaste trentenaire, bien évidemment la belle Ensiyeh et, enfin, Massoud, le très jeune électricien et la métamorphose qu'il a connue à sa sortie de prison, correspondent exactement à des témoins qui ont réellement existé et dont les récits ont été décrits avec beaucoup de détails et de précision par les protagonistes de la Révolution de 1979. Debout sur la terre est avant tout l'histoire d'un père attachant et tendre,un grand seigneur propriétaire d'un vaste domaine où vivent 3.000 âmes, qui voit soudain le voile des femmes tomber, les temps changer, bouleversant ainsi les coutumes et les mœurs. Il y a sa fille, Ensiyeh, élevée comme un garçon qui se bat pour ses terres et s'habille pourtant comme une héroïne de Tchékov. Il y a également Fereydoun, séducteur et un tantinet capricieux et lunatique, qui aime éperdument Ensiyeh tout en esquivant avec grâce et élégance les folies des hommes et du pouvoir. C'est pourquoi il est beaucoup moins exposé que les autres. Debout sur la terre est aussi le récit d'un rendez-vous raté entre un cinéaste âgé de trente ans et un octogénaire. Cela se passe en un jour, trois ans avant la Révolution, puis l'action se poursuit un an après cette même Révolution ; le jeune homme va aider le vieil homme à fuir, à quitter l'Iran. Le vieil homme ou Monsieur V, a connu la gloire et les grands hommes au service des Pahlavi. Les tourbillons de la Révolution sonnent le glas d'une monarchie moribonde. L'éternel Iran est toujours là, depuis l'empire perse jusqu'à la Revolution. L'Iran, personnage central de ce roman foisonnant, parfois comique, qui se laisse dévoiler avec les surprises prodigieuses de sa très longue histoire. Le lecteur n'est pas insensible aux soubresauts liés à la fin d'une époque ou d'un monde qu'on croyait, peut-être naïvement, immuable. –––––––––––––––––– * Debout sur la terre de Nahal Tajadod chez J.-C. Latrès - Avril 2010