• Qu'avait-il de si spécial, Rûmi, ce savant quelque peu solennel, pour qu'il devienne le très grand poète soufi, le créateur de la danse des derviches tourneurs et l'égal de Saâdi, Ferdossi, Hafiz et, même, le grand Omar Khayyam? La célébration du 800e anniversaire de la naissance de Mevlana J. Rûmi, en 2007 à Konya, a fourni le prétexte au Dr Béchir Kahouaji de donner suite à ce projet qui l'a longtemps tourmenté en sommeillant dans son esprit presque dans un état latent. Il s'agit de la publication du «Divan en langue arabe de la poésie de Rûmi». Ce magnifique ouvrage se caractérise par la somptuosité et le luxe de l'édition, un grand événement chez Beït Al-Hikma, et il est préfacé par le Dr Abdelwahab Bouhadiba d'après la calligraphie de Amor Jomni, un artiste de grand talent. On oublie souvent que les grands poètes mystiques persans qui ont tressé une couronne lyrique et métaphysique unique dans l'histoire des peuples ont composé, écrit et chanté leurs œuvres sous la menace terrifiante des invasions mongoles qui avançaient rapidement et détruisaient tout. «Sirrulah i. Aâzam» (Grand mystère de Dieu), Mevlana Jalaleddin Rûmi, a dû se réfugier à Konya, en Anatolie. De cette retraite, il en est sorti illuminé, enflammé et a fini par embraser la Perse et tout le monde turcophone et asiatique. Sa rencontre avec Shams de Tabriz à Konya lui apprend l'embrasement d'amour, l'union contemplative et la science cachée. La tragique disparition de Shams va bouleverser sa vie. Rûmi crée alors un rituel de musique et de danse qui vaudra à son ordre des Mevlavi le surnom de «derviches tourneurs». Le soufisme, une réalité mystique de l'Islam telle qu'elle était pratiquée par Rûmi, a fini par galvaniser les esprits et échauffer les foules au point de constituer une grave menace pour l'Islam naissant. Béchir Kahouaji a mené un travail de longue haleine en divisant les œuvres de Rûmi en deux grandes parties, l'une en prose, l'autre en poésie. Le recueil comprend 89 textes de «ghazal» (élégies) de différentes longueurs, entre 3 et 18 vers. Egalement 19 turbavates (quatrains). Ainsi que 44 muqatata (la muqatata étant des vers en arabe qui constituent une partie d'un long texte en persan). Enfer 61 «Lamaa», poèmes écrits dans les deux langues, l'arabe et le persan. La poésie de Rûmi est une extraordinaire musique de symboles. Ses images ont une beauté concrète qui illumine toutes les directions de l'âme et du monde et renvoie partout la lumière de Dieu. Chaque vers ouvre à la contemplation, réverbère un appel à l'Invisible et semble danser d'extase et d'amour. Pour se souvenir de l'Invisible, il faut renoncer au visible, déjouer l'illusion du monde. Les biens matériels, les ambitions, les orgueils sont un esclavagisme et une liberté emprisonnée. Surnommé le «Miroir de l'Invisible», car ses poèmes ne racontent que la transformation et l'ascension de l'âme en Dieu, Rûmi est également célèbre pour sa poésie en l'honneur du vin (Khamriya) et ses mystères dionysiaques. L'auteur a bien réussi à nous entraîner dans la profondeur du poète en épousant l'obscurité, les sinuosités, la nébulosité, ainsi que les éclats de Mevlana. Il a pénétré et vivifié ses poèmes à sa manière, tout en s'attachant, pour le verbe arabe, à suivre les chemins du feu de l'égarement de l'esprit. Ce précieux ouvrage, trésor inestimable des mystères de Dieu, renferme également une fort belle collection d'estampes «Munamasat» persanes, c'est ce qui peut justifier son prix de vente qui est de 50 DT. Les 7 commandements de Rûmi - Sois comme un long fleuve dans l'indulgence et la magnanimité - Sois comme le soleil dans l'indulgence et la compassion - Sois comme la nuit pour garder le secret sur les tares d'autrui - Sois comme le mort inerte face à la colère - Sois comme un océan de générosité et de pardon - Sois comme la terre que tu foules aux pieds avec modestie - Sois tel que tu es ou à l'image que tu donnes de toi-même.