L'érosion de nos réserves en devises a un impact direct sur notre capacité à mobiliser des ressources extérieures. Une autre dévaluation du dinar ne serait pas, selon des analystes financiers, opportune. On préconise des décisions courageuses pour limiter l'importation des produits qui ne sont pas de première nécessité, outre la négociation de nouveau de certains accords bilatéraux, entre autres, avec la Turquie... En début de semaine, lundi 14 août précisément, la BCT annonçait que les avoirs nets en devises ont chuté à 11.538 millions de dinars, soit l'équivalent de 90 jours d'importations, ce qui est un record jamais atteint par la Tunisie depuis des années. Cet indicateur important est resté sous la barre des 100 jours d'importation jusqu'à avant-hier avec 11.672 millions de dinars, l'équivalent de 91 jours d'importations. Et les billets et monnaies en circulation sont de l'ordre de 11.262 millions de dinars, ils étaient à hauteur de 11.221 millions de dinars lundi dernier. S,elon certains experts financiers tunisiens, le seuil de l'insécurité en termes de réserves en devises pour la Tunisie est de l'ordre de 110 jours d'importations. Décembre dernier, la Tunisie avait une réserve en devises de 114 jours d'importations, et un an avant elle avait une réserve de 127 jours. En fait et en dépit du retour des investissements et de l'amélioration de la croissance pour le deuxième trimestre consécutif, le déficit de la balance commerciale s'aggrave depuis des années et s'est établi à 8,6 milliards de dinars pour les 7 premiers mois de l'année en cours, contre 6,856 milliards de dinars pour la même période en 2016. Ce déficit a donc augmenté de près de 26% et il est dû à l'augmentation des importations de 18,8%, même si les exportations, elles aussi, avaient augmenté de 15,9%. La grande partie de ce déficit commercial au cours de l'année 2017 est enregistrée avec la Chine (2.378,5 millions de dinars) l'Italie (1.156,8 millions de dinars), et avec la Turquie (1.014 millions de dinars). De même, la balance énergétique est déficitaire de l'ordre de 2.122,6 millions de dinars, soit 24,6% du déficit commercial général, contre 1.859 millions de dinars pour la même période en 2016. D'après l'analyste financier et directeur central des marchés de capitaux à Amen Bank, Hatem Zaara, ces réserves en devises pourraient aller à moins de 90 jours d'importations. Lui qui a tenu à implorer la Banque centrale de Tunisie de ne pas user de l'arme de change pour rééquilibrer la situation. «La solution de facilité serait, encore une fois, de dévaluer le dinar. Or, il faut opter pour une mesure courageuse. C'est que nous sommes acculés à utiliser la clause de sauvegarde prévue par l'Organisation mondiale de commerce (OMC) pour réduire les pressions encore plus importantes sur la balance commerciale, dont le déficit a augmenté de deux milliards de dinars en moins d'une année. La solution doit être du côté du ministère du Commerce et de la présidence du gouvernement puisqu'elle concerne des mesures qualitatives et quantitatives pour réduire le flux de produits importés qui ne sont pas de première nécessité», a-t-il expliqué. Lancer un plan d'urgence économique ! L'érosion de nos réserves en devises, selon Zaâra, a un impact direct sur notre capacité à mobiliser des ressources extérieures. «Nous nous attendons certainement à ce que les deux agences de notation Moody's et Fitch Ratings opèrent une autre dégradation de la note de la dette souveraine en devises. Cela aura un impact sur notre taux de sortie sur le marché international qui sera certainement au-dessus de 8% et vers les 9% !», a-t-il ajouté. Zaâra estime que la conduite de notre politique de commerce extérieur est d'un échec retentissant depuis 2011, ce qui nous a poussés à accuser des déficits colossaux, notamment avec la Chine, la Russie, la Turquie et même avec l'Italie. C'est que hormis les trois premiers, on a un déficit avec l'Italie qui est de plus d'un milliard de dinars, ce qui est énorme avec un tel partenaire commercial traditionnel. «J'inviterais l'autorité monétaire tunisienne à opter pour des mesures courageuses, sinon on ne pourra plus importer de médicaments, ni de blé, ni de carburants ! A ce rythme-là, on sera incapables d'honorer nos dettes extérieures. Nous appelons le gouvernement à trouver des solutions avec notamment l'arrêt de l'importation des produits de luxe!», a-t-il lancé, tout en soulignant que cette liste est fin prête au ministère du Commerce, reste une décision à mettre en application... Des avancées mais ! L'autre face de cette régression des réserves en devises, c'est l'affaire de la BFT, qui, selon Zaâra, pourrait coûter à l'Etat tunisien une grande somme en devises. L'analyste financier se demande ce qu'on attend, du côté du gouvernement, pour décréter un plan d'urgence économique, qui prévoit, entre autres, des restrictions courageuses sur les importations. «Nous sommes dans une dynamique positive; petit retour des investissements et amélioration de la croissance sur deux trimestres successifs, bien que la hausse de l'inflation soit inquiétante. On était à 3,4%, il y a trois ans, on est à 5,6%. La BCT est appelée à revoir son taux d'intérêt de base. On est à 5% et elle sera poussée à le revoir à la hausse pour la troisième fois consécutive en l'espace de quatre mois ! Cela aurait un impact négatif sur les intentions d'investissement», a ajouté Hatem Zaâra. Aussi, il a évoqué la question du changement du ministre des Finances, en affirmant que les institutions internationales regardent d'un très mauvais œil ce changement pour la seconde fois en moins d'une année. De même, Zaâra préconise une renégociation des conventions commerciales bilatérales, notamment avec la Turquie, l'Italie, la Russie et l'Union européenne. «Par ailleurs, avec la Chine, on avait signé un accord d'octroi d'une ligne de Swap avec la Banque centrale chinoise, qui est resté lettre morte !», s'est-il exclamé. D'après lui, cet accord évitera à la Tunisie de débourser d'importantes sommes de devises à la Chine et favoriserait les investissements chinois en Tunisie...