Vidéos, chants, danses, vacarme, amour, haine, jalousie, misère, pauvreté, cupidité, peur, terreur, opportunisme, menaces et intimidations proposent de traduire de manière décalée les plus grandes étapes de la transition politique, économique et sociale des années 67/68 en Tunisie. « Au Suivant », spectacle présenté lundi soir au théâtre de plein air de Hammamet dans le cadre de la programmation indoor de la 53e édition du FIH, est une comédie musicale grinçante, écrite par Habib Bel Hadi et mise en scène par Lassaad Ben Abdallah, qui se passe dans un café-chantant du quartier de Bab Souika, animé par Mehrez (Fethi Mselmani), un militant destourien de base, confronté à une crise financière aiguë qu'il subit suite au départ précipité de son épouse et de sa belle-famille de confession juive après les événements de la guerre des Six jours en 1967. Les comédiens Jamel Madani (dans le rôle du Zemni), Farhat Jedid (dans le rôle de Farhat), Wajdi el Borji (dans le rôle de Jwadou) et Hatem Lejmi (dans le rôle de Ridha) ont campé le rôle des musiciens qui composent la troupe. Quant à Guissela Nouider, dans le rôle de Mamia, et Mariem Sayyah, dans le rôle de Ouicha, elles campent les rôles des danseuses qui animaient les soirées déjantées de Ramadan à cette époque. Le démarrage en trombe de la pièce nous fait admirer d'emblée le jeu des comédiens qui arrivent à conserver cette bonne dynamique. Des artistes multidisciplinaires, des acteurs performeurs qui maîtrisent l'art du pastiche, un sens du burlesque. C'est un plaisir de voir cette troupe de potes sympathiques, talentueuse et déjantée reprendre les chansons des cafés-chantants qui voyaient le jour chaque Ramadan. Nous replongeons dans notre plus tendre enfance grâce à de très bons choix de morceaux, composés en grande partie par Salah Khemissi, qui s'enchaînent avec des mini-sketches de transition plus ou moins drôles et réussis. Coproduite avec le Centre Culturel International de Hammamet, « Au suivant » présente une répétition chaotique sur fond de mélodies tunisiennes et de chansons du monologuiste Salah Khemissi, une ode à la chanson populaire, une performance hilarante et interactive pour ne plus jamais se retrouver. Mais cette répétition n'est qu'un prétexte pour un retour sur la transition de pouvoir entre la colonisation française et les leaders du peuple tunisien après l'indépendance pour relativiser le mythe de Bourguiba. Vidéos, chants, danses, vacarme, amour, haine, jalousie, misère, pauvreté, cupidité, peur, terreur, opportunisme, menaces et intimidations proposent de traduire de manière décalée les plus grandes étapes de la transition politique, économique et sociale des années 67/68 en Tunisie. Une écriture acérée, subtile et jamais méchante, une interprétation musicale soignée et une mise en scène percutante : tous les ingrédients sont réunis pour faire rire dans ce spectacle comi-tragique pertinent et impertinent. Les 1h20 de spectacle passent à toute allure et on n'a pas envie que ça s'arrête. Une pièce à voir et à écouter !