Par Rafik EL Herguem Les opérateurs du secteur privé, véritable «allié» du secteur public dans la création de la richesse économique, ont dénoncé les mesures incluses dans le projet de la loi de finances 2018. En deux mots, les représentants des sociétés privées tunisiennes, quelles que soient leurs tailles, ont exprimé leurs mécontentement quant à l'augmentation de leurs contributions et des charges fiscales qui vont leur être imputées. Pour ces opérateurs du secteur privé, la recherche de revenus pour l'Etat, ne veut pas dire pénaliser ces entreprises industrielles et commerciales, qui embauchent des milliers de Tunisiens, par des charges supplémentaires via des taxes directes et indirectes. Chose qui va diminuer nettement les revenus (toute augmentation des charges augmente les prix et réduit la demande), et qui va freiner l'élan pour l'investissement. N'importe quel chef d'entreprise, qui produit, qui s'approvisionne ( il fait travailler d'autres secteurs marchands dans la chaîne de création de valeur), qui embauche, qui commercialise, et qui emprunte auprès du marché financier, n'aura pas l'enthousiasme d'investir sur le matériel. Dans cette conjoncture difficile, où la crise touche les économies de la région, où les revenus ont diminué et où l'inflation étouffe les ménages, injecter de l'argent dans le circuit pour acquérir du matériel et pour mener un plan de croissance sera un énorme risque. Ce débat et cette polémique remettent en question la politique fiscale en Tunisie : l'Etat, au lieu de chercher à imposer et à taxer ceux qui ne payent pas assez (régime forfaitaire), au lieu d'élargir l'assiette fiscale, au lieu de punir les fraudeurs de l'évasion fiscale, l'Etat pointe les PME productrices, les agents qui créent de la valeur et qui embauchent. C'est une erreur monumentale : la croissance passe par les entreprises industrielles et de service qui opèrent dans la sphère réelle de l'économie. La sphère parallèle, la sphère spéculative (notamment les activités immobilières) embauchent beaucoup moins et contribuent beaucoup moins en termes de fiscalité. Le gouvernement avance dans la mauvaise voie dans la mesure où toute augmentation des charges fiscales, c'est le citoyen-consommateur final qui en paye les frais avec une inflation qui monte en flèche. Chaque fois que l'on reprend ce débat, il faut éviter de diaboliser le secteur privé et lui imputer toutes les difficultés économiques du pays. A partir de là, les politiques fiscales doivent être déclinées en ce sens.