Taoufik Ilaoui puise dans l'héritage égyptien qu'il a rejoint par académisme et par vocation pour nous amener à la Sagesse universelle où se marient l'héritage des anciens et l'apport des modernes, en passant par toutes les strates de la pensée. Un livre serti d'aphorismes, de maximes et d'éclairs comme seuls peuvent en enfanter les plus érudits d'entre nous. Le vieil homme s'approche du pharaon, il lui demande avec humilité l'autorisation de transmettre à son fils les paroles de ceux qui ont écouté, au fil des âges, les conseils des ancêtres. C'est le préfet respecté Ptahhotep et nous sommes en 2400 av. J.-C. Nous savons que le pharaon accéda à son souhait puisque cette Sagesse nous est parvenue et ses maximes, retrouvées sur le papyrus Prisse, nous parlent d'humilité, d'art du débat, de vanité, de justice, d'avidité, d'indulgence, d'entendement... Nous le savons aussi parce que, plus de deux millénaires plus tard, en 288 av. J.-C., la bibliothèque d'Alexandrie portait en inscription sur le haut de son portail un vocable de son cru : «Hôpital pour l'âme». Equilibres et confrontations Et c'est en hommage à Ptahhotep que Taoufik Ilaoui vient de publier cet ouvrage de méditations. Une reconnaissance de la profondeur d'une pensée capable de rivaliser avec les plus grands Sages de l'Humanité. Pas seulement des maximes, mais une conception de la nature humaine, entre ce qu'elle promet de mieux et ce qu'elle porte de pire. Ptahhotep se fait ainsi l'interprète de Maât, cette entité égyptienne symbolisant l'équilibre établi par le Seigneur, la justice qui permet d'agir selon le droit, l'ordre qui fait conformer les actes de chacun aux lois, la vérité, la droiture et la confiance. Il est également celui qui avertit contre l'antithèse de Maât ; cette terrible isfet qui représente le désordre, le mal, le dévoiement, le chaos, l'injustice... C'est évidemment cet équilibre que la Sagesse universelle poursuit depuis la nuit des temps avec le but inlassable de le faire basculer au bénéfice du bien. Et Taoufik Ilaoui en fait le tour en plaçant côte à côte les dits de Ptahhotep et ceux des plus grands noms, comme pour les confronter... et voici, pêle-mêle, des citations de Héraclite, Marc Aurèle, Socrate, Bacon, Newton, Aristote, Rousseau, Kung Fu-Tsé, Platon, Senèque, Démocrite, Solon, Schopenhauer, Euripide, Voltaire, Horace, Montaigne, Kant, Hegel, Leibniz, Hérodote, Diogène, Lao Tseu... Pourtant, il y a comme un escamotage ! Exit la sagesse arabo-musulmane En vérité, nous nous étions attendus à ce qu'un tel ouvrage, qui exalte spécifiquement la sagesse égyptienne mais qui ratisse quand même large dans ses citations, renferme au moins quelques grands noms de la sagesse arabo-musulmane reconnue comme universelle. Mais rien, personne... Pourtant, pour ne prendre que l'un des nombreux aspects de cette Sagesse, nous citerons un exemple qui nous semble assez pertinent pour l'occasion : les maisons de la sagesse. Ces fameuses «Beit al Hikma» qui sont apparues au début du IXe siècle en gros sous la forme d'associations de bibliothèques, de centres de traduction et de lieux de réunion. Leur vocation était de puiser aux sources de la Sagesse de leur temps et des temps anciens, traduire les ouvrages de cosmologie, d'astrologie, de mathématiques, de philosophie de poésie et d'histoire. Sans conteste, ces «Beit al Hikma» ont joué un rôle majeur dans la transmission de l'héritage des civilisations, bien sûr, grecque, perse et du Moyen-Orient, mais aussi indienne, chinoise... Elles ont été l'un des symboles de l'âge d'or de la civilisation arabo-musulmane, comme lieu de collecte, de diffusion, de copie et de traduction des belles-lettres. Il était injuste d'en oublier l'esprit ! Une sorte d'injustice que la sagesse arabo-musulmane partage un peu avec la Sagesse féminine car, dans l'ouvrage, seulement deux dames sont citées aux milieu des centaines de références : Sapho et Anna Freud ! L'ouvrage «Hôpital pour l'âme», 159p., mouture anglaise Par Taoufik Ilaoui Editions Den Haag, 2017